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OU LE TUEUR DE DAIMS.

voir faire un reproche aux Delawares du manque de parole d’un homme qui avait passé une si grande partie de sa vie dans leurs villages. Ils auraient de beaucoup préféré que Chingachgook eût été leur prisonnier et leur eût manqué de foi ; mais le chasseur à face pâle n’était pas un mauvais remplaçant, puisqu’ils n’avaient pu faire un captif de cette tribu qu’ils détestaient. Dans le dessein de rendre leur triomphe plus signalé s’il se passait une heure sans que le jeune chasseur reparût, tous les partis détachés et tous les espions avaient été rappelés dans le camp, et toute la troupe, hommes, femmes et enfants, était alors rassemblés pour être témoin de ce qui allait se passer. Comme le château était en pleine vue, et à une distance peu éloignée, il était facile de le surveiller en plein jour ; et comme ils savaient qu’il ne pouvait s’y trouver que Hurry, le Delaware et les deux jeunes filles, ils ne craignaient pas qu’ils pussent s’échapper sans être vus. Un grand radeau, ayant un parapet de troncs d’arbres, avait été préparé afin de s’en servir pour attaquer l’arche ou le château, suivant que l’occasion l’exigerait, dès que le sort de Deerslayer aurait été décidé, les chefs ayant pensé qu’il commençait à être dangereux de différer leur départ pour le Canada au-delà de la nuit suivante. En un mot, la troupe n’attendait que le résultat de cette seule affaire pour amener les choses à une crise sur le lac, avant de commencer sa retraite vers le lac Ontario.

C’était une scène imposante que celle vers laquelle Deerslayer s’avançait en ce moment. Les chefs étaient assis sur le tronc de l’arbre tombé, et l’attendaient avec un grave décorum. À leur droite étaient les guerriers armés ; à leur gauche, les femmes et les enfants ; au centre, devant eux, était un espace d’une étendue considérable, couvert partout par la cime des arbres, mais où il ne se trouvait ni broussailles, ni bois mort, ni aucun autre obstacle à la marche. Les arches formées par le feuillage des branches supérieures jetaient leur ombre sur ce lieu, que les rayons du soleil, cherchant à se frayer un passage à travers les feuilles, contribuaient à éclairer. Ce fut probablement une pareille scène qui donna à l’esprit de l’homme la première idée des effets que l’architecture gothique pouvait produire dans une église ; car ce temple construit par la nature en produisait un à peu près semblable, en ce qui concerne l’ombre et la lumière.

Comme cela n’était pas rare parmi les tribus errantes des aborigènes, deux chefs partageaient, à un degré presque égal, la principale et primitive autorité sur ces enfants de la forêt. Plusieurs