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OU LE TUEUR DE DAIMS.

vait de me marier, ce ne serait qu’une femme de ma couleur qui entrerait dans mon wigwam. Quant à fournir de la nourriture aux enfants de votre guerrier, le Loup-Cervier, je le ferais de tout mon cœur, si je pouvais le faire sans me déshonorer ; mais cela est impossible, vu que je n’habiterai jamais un village de Hurons. Que vos jeunes guerriers fournissent de la venaison au Sumac, et lorsqu’elle se remariera, qu’elle prenne un mari dont les jambes ne soient pas assez longues pour le conduire sur un territoire qui ne lui appartient pas. Nous avons combattu à armes égales, et il a succombé. Ce n’est que ce qu’un brave doit attendre, et il doit toujours y être prêt. Quant à avoir le cœur d’un Mingo, attendez-vous plutôt à voir des cheveux blancs sur la tête d’un enfant, ou des mûres de ronces sur un pin. Non, non, Huron, mes dons sont blancs, en ce qui concerne une femme, et mon cœur est delaware en tout ce qui touche les Indiens.

Deerslayer avait à peine cessé de parler, qu’un murmure général annonça le mécontentement avec lequel on l’avait entendu. Les vieilles femmes surtout exprimaient hautement leur ressentiment ; et le Sumac elle-même, qui était assez vieille pour être la mère du jeune chasseur, n’épargnait pas les imprécations. Mais toutes les manifestations de désappointement et de colère n’étaient rien auprès de la rage dont était transporté la Panthère. Ce chef féroce avait regardé comme une dégradation de permettre à sa sœur de devenir la femme d’un homme à face pâle, et surtout d’un Anglais ; il n’avait consenti qu’à contre-cœur à un arrangement qui n’avait rien d’inusité parmi les Indiens ; et il n’avait cédé qu’aux vives instances de sa sœur. Il était alors blessé au vif en voyant un prisonnier méprisé refuser l’honneur qu’on voulait bien lui faire. L’animal dont il portait le nom ne regarde pas sa proie avec plus de férocité qu’on n’en voyait briller dans ses yeux fixés sur le captif, et son bras ne fut pas lent à seconder la fureur qui l’enflammait.

— Vil roquet des Faces-Pâles, s’écria-t-il, va hurler avec les chiens de ta race dans les bois sans gibier qui leur sont destinés !

L’action suivit de près ces paroles. Il parlait encore quand il saisit son tomahawk, et il le lança contre Deerslayer. Heureusement pour celui-ci, le son de la voix de l’Indien avait attiré ses yeux, sans quoi, ce moment aurait terminé sa carrière. Cette arme dangereuse fut lancée avec tant de dextérité, et dans des intentions si meurtrières, qu’elle aurait fendu la tête du jeune chasseur s’il n’eût levé le bras et saisi le manche du tomahawk qui arrivait en tournant, avec une adresse au moins égale à celle qui avait été mise