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OU LE TUEUR DE DAIMS.

Quand toute la troupe fut rangée autour du prisonnier, un grave silence, d’autant plus menaçant qu’il était profond, régna dans toute l’assemblée. Deerslayer vit que les femmes et les enfants préparaient des éclats pointus de racines de pins ; et il savait que c’était pour les lui enfoncer dans la chair et les allumer. Deux ou trois jeunes gens tenaient en mains les cordes d’écorces qui devaient l’attacher. La fumée d’un feu allumé à quelque distance annonçait que des tisons enflammés s’y préparaient. Plusieurs guerriers passaient leurs doigts sur le tranchant de leur tomahawk pour voir s’il avait le fil ; d’autres s’assuraient si leurs couteaux ne tenaient pas dans leurs gaines ; tous semblaient impatients de commencer leur horrible besogne.

— Tueur de Daims, dit Rivenoak, certainement sans donner aucun signe de sympathie ou de merci, mais d’un ton calme, et avec dignité, il est temps que mon peuple sache ce qu’il a à faire. Le soleil n’est plus sur nos têtes ; fatigué d’attendre les Hurons, il a commencé à descendre vers les pins qui couvrent cette montagne ; il chemine rapidement vers le pays de nos pères, les Français, et c’est pour avertir ses enfants que leurs wigwams sont vides et qu’ils devraient déjà être chez eux. Le loup qui rôde dans les bois a sa tanière, et il y retourne quand il veut voir ses petits. Les Iroquois ne sont pas plus pauvres que les loups. Ils ont leurs villages, leurs wigwams, leurs champs de blé, et les bons esprits sont las d’être seuls à y veiller. Il faut que mon peuple s’en retourne et prenne soin de ses affaires. Il y aura de la joie dans le village quand notre cri s’y fera entendre. Mais ce sera un cri de douleur, qui fera comprendre que le chagrin doit le suivre, — un cri de douleur pour une chevelure perdue, — seulement pour une, car nous avons celle du Rat-Musqué, dont le corps est avec les poissons. Deerslayer doit décider si nous en emporterons une autre, attachée à côté de la première. — Deux de nos wigwams sont vides, il nous faut à chaque porte une chevelure — morte ou vivante.

— Emportez-les mortes, Huron, répondit Deerslayer d’un ton ferme, mais sans aucun mélange de jactance. Je suppose que mon heure est venue, et ce qu’il faut, il le faut. Si vous êtes déterminés à me faire mourir dans les tortures, je ferai de mon mieux pour les supporter, quoique personne ne puisse dire jusqu’à quel point il en sera en état, jusqu’à ce qu’il soit mis à l’épreuve.

— Le chien à face pâle commence à mettre sa queue entre ses jambes, s’écria un jeune sauvage nommé le Corbeau-Rouge, sobriquet qui lui avait été donné par les Français à cause de son bavar-