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OU LE TUEUR DE DAIMS.

en possession de toutes ses forces, fut pour lui comme un retour soudain à la vie, et il sentit renaître des espérances auxquelles il avait entièrement renoncé. À compter de ce moment, tous ses plans changèrent. Il ne fit en cela qu’obéir à la loi de la nature ; car, en le représentant comme résigné à son destin, nous n’avons pas voulu dire qu’il désirât la mort. Il ne songea plus qu’aux différents moyens qu’il pourrait trouver pour se soustraire à la cruauté de ses ennemis, et il redevint l’habitant des bois, vigoureux, déterminé, ingénieux et fécond en ressources. Son esprit reprit toute son élasticité ; il ne songea plus à se soumettre à son sort, il ne s’occupa qu’à rêver aux ruses et aux subterfuges qu’on pouvait adopter dans une guerre contre des sauvages.

Dès que ses liens eurent été détachés, les Hurons se formèrent en cercle autour de lui pour lui ôter tout moyen de s’échapper, et le désir d’abattre sa fierté s’accrut en eux à mesure qu’ils virent qu’il serait plus difficile de la dompter. Il y allait maintenant de leur honneur, et les femmes mêmes perdirent tout sentiment de compassion, pour ne songer qu’à soutenir la réputation de leur tribu. Les voix des jeunes filles, douces et mélodieuses comme la nature les avait faites, se mêlèrent aux cris menaçants des hommes, et l’insulte faite au Sumac en devint une pour tout son sexe. Cédant à ce tumulte naissant, les hommes se retirèrent un peu à l’écart, en disant aux femmes qu’ils leur abandonnaient le prisonnier pour quelque temps ; car c’était l’usage en pareilles occasions que les femmes cherchassent à inspirer une sorte de rage à la victime par leurs invectives, leurs injures et leurs sarcasmes, pour l’abandonner ensuite aux tortures quand la disposition de son esprit l’aurait mis hors d’état de supporter l’agonie des souffrances corporelles. La troupe ne manquait pas d’instruments propres à produire cet effet, car elle avait le Sumac, qui avait la réputation d’une harpie, et une couple de vieilles semblables à l’ourse, qui avaient été probablement amenées pour conserver la décence et la discipline morale, ce qui se voit chez les sauvages comme dans la vie civilisée. Il est inutile de répéter tout ce que l’ignorance et la férocité purent inventer pour faire naître la fureur dans l’esprit du prisonnier, la seule différence entre cette explosion d’injures prononcées par des mégères et une scène pareille parmi nous ne consistant que dans les figures et les épithètes, et en ce que les Huronnes donnaient au prisonnier les noms des animaux les plus vils et les plus méprisés qu’elles connussent.

Mais l’esprit de Deerslayer était trop occupé pour qu’il s’inquiétât