Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/149

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— Quant à moi, miss Peyton, ajouta-t-elle après avoir repris haleine un moment, j’aurais perdu la vie plutôt que d’en dire un seul mot. Le pire qu’ils pouvaient lui faire, c’était de le tuer et l’on pourrait dire qu’ils l’ont tué corps et âme, puisqu’ils en ont fait un vagabond méprisable. Qui voudrait être sa femme ou tenir sa maison à présent ? Quant à moi, je suis trop jalouse de ma réputation pour rester chez un garçon, quoique dans le fait il ne soit jamais chez lui. Je suis donc bien résolue à l’avertir aujourd’hui, que n’étant pas marié, je ne resterai pas chez lui une heure après l’enterrement ; et quant à l’épouser je ne crois pas que j’y songe, à moins qu’il ne veuille mener une vie moins errante et plus régulière !

La bonne miss Peyton laissa s’épuiser l’éloquence verbeuse de la femme de charge ; et par deux ou trois questions judicieuses qui prouvaient qu’elle avait une connaissance plus intime qu’on n’aurait pu le supposer des voies secrètes et tortueuses de Cupidon dans le cœur humain, elle tira de Katy des détails suffisants pour s’assurer qu’il n’était nullement probable que le colporteur, même dans l’état de délabrement de sa fortune, songeât à offrir sa main à miss Catherine Haynes. Elle lui dit alors qu’elle avait besoin d’une femme entendue pour l’aider dans les soins domestiques, et lui proposa d’entrer à son service si Harvey Birch ne la conservait pas au sien. Après quelques conditions préliminaires que fit la prudente femme de charge, l’arrangement fut conclu, et faisant encore quelques lamentations piteuses sur les pertes qu’elle avait faites et sur la stupidité d’Harvey, elle retourna chez le colporteur, tant par curiosité de savoir ce qu’il deviendrait que pour veiller aux apprêts des funérailles qui devaient avoir lieu le même jour.

Pendant cette conversation Lawton s’était retiré par délicatesse, et son empressement de savoir comment se trouvait Singleton le conduisit dans la chambre de son camarade. On a déjà vu que le caractère de ce jeune officier lui avait acquis l’affection particulière de tout son corps. Sa douceur presque féminine et ses manières pleines d’urbanité n’empêchaient pas qu’il ne fût doué d’une résolution mâle dont il avait donné des preuves, et qui lui avait assuré le respect d’une troupe de partisans belliqueux. Le major le chérissait comme un frère, et la docilité avec laquelle il se soumettait aux ordonnances de Sitgreaves en avait fait aussi le favori du docteur. L’intrépidité avec laquelle ce corps