Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/154

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— Doucement, mon cher ami, doucement, dit le jeune homme en se laissant retomber sur son oreiller et en perdant quelque chose de ces vives couleurs qui alarmaient son ami. En faisant l’extraction de cette balle, vous avez fait tout ce qui m’était nécessaire ; je vous assure que mon seul mal à présent est une grande faiblesse.

— Capitaine Singleton, dit le chirurgien avec chaleur, c’est une présomption que de vouloir apprendre à votre médecin quand vous ne souffrez pas. À quoi servent les lumières de la science, si ce n’est à nous mettre en état de prononcer sur ce point ? Fi ! George, fi ! Lawton lui-même, le mécréant Lawton, ne montrerait pas plus d’obstination.

Singleton sourit en repoussant doucement la main du docteur qui cherchait à détacher ses bandages, et lui demanda, tandis que de nouvelles couleurs renaissaient sur ses joues :

— Je vous en prie, Archibald, nom d’affection qui manquait rarement d’attendrir le docteur, — dites-moi quel est l’esprit descendu du ciel qui est entré dans mon appartement quelques minutes avant vous, pendant que je faisais semblant de dormir ?

— Dans votre appartement ! s’écria le docteur. Et qui ose aller, ainsi sur mes brisées ! Esprit ou non, je lui apprendrai à se mêler des affaires des autres !

— Vous prenez le change, docteur ; il n’y a nulle rivalité. Examinez l’appareil que vous avez mis sur ma blessure ; personne n’y a touché. Mais quel est cet être enchanteur qui joignait la légèreté d’une fée à l’air de douceur d’un ange ?

Sitgreaves, avant de lui répondre, commença par vérifier si personne ne s’était ingéré de donner en son absence des soins au blessé ; et rassuré sur ce point, il rajusta sa perruque, s’assit près du lit, et lui demanda avec un laconisme digne du lieutenant Mason :

— Cet esprit portait-il des jupons, George ?

— Je n’ai vu que des yeux célestes, des joues vermeilles, une démarche majestueuse et pleine de grâce, des…

— Chut ! chut ! vous parlez trop pour votre état de faiblesse, dit le docteur en lui mettant la main sur la bouche ; il faut que ce soit miss Jeannette Peyton. C’est une dame accomplie dont la démarche est pleine de dignité et a… oui, a quelque chose de gracieux. Ses yeux… respirent la bienveillance ; et son teint, quand il est animé par la charité, peut le disputer à celui de ses jeunes nièces.

— De ses nièces ! a-t-elle donc des nièces ? L’ange que j’ai vu