Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/169

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Le docteur Sitgreaves s’acquitta du même cérémonial envers miss Peyton, qui pourtant, avant de lui donner la main, le fit attendre un instant pour mettre ses gants avec une grâce majestueuse.

Le colonel Wellmere fut honoré d’un sourire de Sara en remplissant près d’elle le même devoir, et le capitaine Lawton s’étant avancé vers Frances, elle lui présenta ses jolis doigts de manière à prouver que l’individu à qui elle accordait cette faveur la devait moins à lui-même qu’au corps dont il faisait partie.

Il se passa quelque temps et l’on éprouva plusieurs embarras avant que tous les convives, à la grande joie de César, fussent placés autour de la table avec tous les égards conformes à l’étiquette et à la préséance. Le nègre savait que le dîner se refroidissait, et il craignait que son honneur n’en fût compromis.

Pendant les premières dix minutes chacun parut satisfait, à l’exception du capitaine Lawton. Il était étourdi des questions et des offres sans fin que lui faisait M. Wharton, dont la politesse avait certainement pour but d’augmenter les jouissances de son hôte, mais produisait un effet tout opposé. Le capitaine de dragons ne pouvait parler et manger en même temps ; la nécessité de répondre interrompait souvent une occupation à laquelle il aurait voulu se livrer exclusivement.

Vint ensuite la cérémonie de boire avec les dames[1]. Mais comme le vin était excellent et les verres d’une grandeur tolérable, le capitaine supporta cette nouvelle interruption avec une patience exemplaire. Il craignait même tellement d’en offenser quelqu’une et de manquer sur ce sujet à la moindre formalité d’étiquette, qu’ayant commencé par boire avec la dame près de laquelle il était assis, il s’adressa ensuite tour à tour à toutes les autres, pour qu’aucune ne pût avec justice l’accuser de partialité.

Il y avait si longtemps qu’il n’avait bu rien qui ressemblât à du bon vin, que cette circonstance pouvait être une excuse pour lui, surtout quand il était exposé à une tentation aussi forte que celle qui l’assaillait en ce moment. M. Wharton avait été membre d’une coterie de politiques à New-York, dont les principaux ex-

  1. Usage anglais conservé en Amérique. On n’offre pas de vin au commencement du dîner ; mais chaque convive peut en inviter un autre, et le plus souvent une dame, à en boire un verre avec lui. L’usage ne permet pas de refuser cette invitation ; mais si, quand on la reçoit, on n’a pas envie de boire, on peut se borner à se mouiller les lèvres dans son verre, en adressant une inclination de tête à celui qui l’a faite, comme pour boire à sa santé.