Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/184

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ser sa chaise de l’endroit où il était assis ; ne me connaissez-vous pas, moi ? Ma figure ne vous est pas étrangère.

Birch tourna lentement les yeux sur elle, et remarqua dans ses traits une expression pénible, tandis qu’il lui dit avec un ton de douceur :

— Non, bonne femme, non ; vous n’êtes pas une étrangère pour moi. Tandis que tant d’autres m’accableront d’insultes et me calomnieront, peut-être me rendrez-vous justice, et direz-vous quelques mots pour me défendre.

— Je le ferai ! je le ferai ! s’écria Katy avec une énergie toujours croissante. Oui, Harvey, je vous défendrai jusqu’à la dernière goutte… Que j’entende quelqu’un dire un mot contre vous ! Oui, Harvey, vous avez raison, je vous rendrai justice. Qu’importe que vous aimiez le roi ? J’ai entendu dire que c’est un brave homme au fond ; mais il n’y a pas de religion dans l’ancien pays, car chacun convient que ses ministres sont des diables incarnés.

Le colporteur se promenait à grands pas dans une agitation inexprimable. Ses yeux avaient un air d’égarement que Katy n’y avait jamais aperçu, et sa démarche avait une dignité dont elle était presque effrayée.

— Tandis qu’il a vécu, s’écria Harvey ne pouvant renfermer dans son cœur les sentiments qui l’agitaient, il existait quelqu’un qui lisait dans mon cœur ! Après mes courses secrètes et dangereuses, après avoir souffert des injures et des injustices, quelle consolation c’était pour moi à mon retour de recevoir ses éloges et sa bénédiction ! Mais il n’existe plus, ajouta-t-il en tournant ses yeux égarés vers un coin de la chambre, place ordinaire de son père ; et qui me rendra justice à présent ?

— Harvey ! Harvey ! s’écria Katy d’un ton presque suppliant ; mais il ne l’écoutait pas. Cependant un sourire de satisfaction effleura ses traits décomposés, quand il ajouta :

— Oui, il existe quelqu’un qui me la rendra, qui doit me connaître avant que je meure. Oh ! il est terrible de mourir et de laisser après soi une telle réputation !

— Ne parlez pas de mort ici, Harvey ! s’écria Katy en jetant les yeux autour de la chambre et en ajoutant du bois au feu pour augmenter la clarté.

Mais le moment d’effervescence était passé. Elle avait été occasionnée par le souvenir des événements de la veille et par la vive idée de ses souffrances. Les passions ne conservaient pas long-