Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/217

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poursuite aurait été impossible à de la cavalerie, le chef se hasarda à rappeler sa bande par un coup de sifflet, et en très-peu de temps il réussit à la rassembler dans un endroit où ils n’avaient rien à craindre de leurs nouveaux ennemis.

— Eh bien ! dit un de ces brigands pendant que ses camarades allumaient un grand feu pour se défendre contre le froid glacial de la nuit, après cela il n’y a plus rien à faire pour nous dans le West-Chester. Il y fera trop chaud à présent que nous aurons à nos trousses cette cavalerie de Virginie.

— J’aurai son sang, s’écria le chef, quand je devrais périr l’instant d’après.

— Oh ! vous êtes vaillant, caché au milieu d’un bois, reprit l’autre en ricanant ; vous qui vous vantez d’être si bon tireur, comment avez-vous manqué votre homme à quarante pas ?

— Sans ce cavalier qui me poursuivait, j’aurais étendu le capitaine Lawton sur la place. D’ailleurs le froid me faisait trembler, et je n’avais pas la main ferme.

— Dites que vous aviez peur, et vous ne mentirez pas. Froid ! je crois qu’il se passera du temps avant que je m’en plaigne. Le dos me brûle comme si j’étais sur le gril.

— Et cependant vous ne songez pas à vous venger. Vous baiseriez volontiers la verge qui a servi à vous battre.

— La baiser ! cela serait difficile, car je crois qu’on l’a usée jusqu’au dernier brin sur mes épaules, et qu’il n’en reste pas un fragment assez grand pour le baiser. Au surplus j’aime mieux avoir perdu quelques lambeaux de ma peau que de l’y avoir laissée tout entière, et peut-être mes deux oreilles. Et c’est ce qui nous arrivera si nous nous mettons encore à dos cet enragé Virginien. Je lui donnerais volontiers de quoi faire une paire de bottes de mon cuir, pour sauver le reste. Si vous aviez su profiter de l’occasion, vous vous seriez adressé au major Dunwoodie qui ne connaît pas à moitié si bien toutes nos œuvres.

— Silence, bavard ! s’écria le chef avec fureur ; il y a de quoi devenir fou de vous entendre déraisonner ainsi. N’est-ce pas assez d’avoir été volés et battus sans que nous soyons encore étourdis de vos sottises ? Allons qu’on fouille dans les havre-sacs et qu’on voie ce qu’il y reste de provisions. Le moyen de vous fermer la bouche c’est de la remplir.

On obéit à cet ordre, et tous les Skinners, au milieu des plaintes et des contorsions occasionnées par leurs dos entamés jusqu’au vif,