Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/223

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chien de colporteur ! s’écria Betty dont l’humeur s’aigrissait aisément. Qu’ai-je de commun avec vos colporteurs et vos évasions ? Oui, sans doute, j’aurais pu être la femme d’un colporteur et porter des robes de soie si j’avais eu le bon sens d’épouser Sawny-Mac-Twill, au lieu de courir sur les talons d’un tas de chenapans de dragons qui ne savent ce que c’est de traiter décemment une honnête veuve.

— Le drôle a laissé ma Bible, dit Hollister en la ramassant par terre. Au lieu de passer son temps à la lire pour se préparer en chrétien à faire une bonne fin, il ne s’est occupé qu’à chercher les moyens de s’évader.

— Et qui voudrait rester pour être pendu comme un chien ? s’écria Betty, qui commençait enfin à comprendre de quoi il s’agissait. Tout le monde n’est pas né, comme vous, pour faire une pareille fin, monsieur Hollister.

— Silence ! dit Dunwoodie. Messieurs, cette affaire demande à être éclaircie. Il n’existe dans cette chambre aucune autre issue que la porte, et le prisonnier n’a pu en sortir sans que la sentinelle se soit laissée corrompre ou se soit endormie à son poste. Qu’on fasse venir tous ceux qui ont été de garde à cette porte pendant la nuit.

Ils étaient tous dans le corps-de-garde, et on les fit venir à l’instant. Tous soutinrent que personne n’était sorti de cette chambre pendant leur faction. Un seul déclara que Betty en était sortie, mais sa consigne était de la laisser passer.

— Tu mens ! s’écria la vivandière qui avait écouté avec impatience sa justification ; tu mens, brigand que tu es. As-tu envie de perdre de réputation une honnête femme en disant qu’elle court le guilledou pendant la nuit ? J’ai dormi ici toute la nuit aussi innocemment que le veau qui tette sa mère.

— Monsieur, dit Hollister en se tournant respectueusement vers Dunwoodie, il y a sur ma Bible quelque chose de griffonné qui n’y était pas auparavant car, n’ayant pas de famille[1], je n’ai jamais souffert qu’on écrivît quoi que ce soit sur ce saint livre.

Un officier lut tout haut ce qui suit :

« Ceci est pour certifier que, si je parviens à m’échapper, ce ne sera que par l’aide de Dieu, au secours duquel je me recom-

  1. Un usage anglais, conservé en Amérique, est d’inscrire sur une page blanche de la Bible la date des mariages, naissances, décès et autres événements qui arrivent dans une famille.