Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/254

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dité de l’éclair, et le nègre commençait à oublier presque où il allait et pourquoi il courait avec cette précipitation, quand il arriva à l’endroit ou les deux routes se croisaient, et l’hôtel Flanagan s’offrit à ses yeux dans toute la simplicité de sa dégradation. La vue d’un bon feu à travers les croisées lui donna d’abord l’assurance qu’il était arrivé à une habitation humaine ; mais cette idée fut accompagnée de toute la crainte que lui inspiraient les redoutables dragons de Virginie. Il fallait pourtant qu’il s’acquittât de son message, et ayant mis pied à terre, il attacha à une haie son cheval écumant, et s’approcha d’une fenêtre, d’un pas circonspect, pour écouter et faire une reconnaissance.

Le sergent Hollister et Betty Flanagan, assis près d’un feu pétillant, faisaient leur conversation, n’ayant en tiers qu’un grand pot que la vivandière avait libéralement rempli de sa liqueur favorite.

— Je vous répète, mon cher sergent, disait Betty en remettant sur la table le pot qu’elle venait de porter à sa bouche, qu’il n’est pas raisonnable de croire que ce fût autre chose que le colporteur en personne où étaient l’odeur du soufre, la queue, les griffes et le pied fourchu ? D’ailleurs, sergent, il n’est pas décent de dire à une honnête veuve qu’elle a eu Belzébut pour compagnon de chambre.

— Peu importe, mistress Flanagan ; tout ce que je désire, c’est que vous échappiez toujours de même à ses pièges et à ses embûches, répondit le vétéran. Et il finit son discours par une attaque vigoureuse contre le pot de whiskey.

César en avait assez entendu pour se convaincre qu’il n’y avait pas grand danger à appréhender de ce couple. Le froid, joint à la frayeur, commençait déjà à faire battre ses dents les unes contre les autres, et la vue d’un bon feu et d’un pot de whiskey l’engageait fortement à risquer l’aventure. Il s’approcha avec toutes les précautions convenables, et frappa à la porte le coup le plus humble qu’il fût possible. L’arrivée de Hollister, le sabre à la main et criant qui va là ? d’un ton brusque, ne contribua pas à lui rendre sa présence d’esprit mais l’excès de la crainte fut précisément ce qui lui donna la force d’expliquer sa mission.

— En avant ! dit le sergent avec une promptitude militaire, en l’examinant de la tête aux pieds à l’aide d’une lumière qu’il tenait de la main gauche ; en avant ! remettez-moi vos dépêches. – Mais, un instant… Avez-vous le mot d’ordre ?