Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/272

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sur le sofa sur lequel on avait placé Sara ; il est naturellement doux comme un agneau, mais c’est un véritable lion quand il est courroucé.

— Il faut que nous retournions dans le salon, dit miss Peyton ; notre présence leur imposera, et sauvera peut-être la vie d’un de nos semblables.

Miss Peyton voulait s’acquitter de ce qu’elle regardait comme un devoir que lui imposaient son sexe et son caractère, et elle s’avança vers la porte avec toute la dignité d’une femme dont la sensibilité est blessée. Isabelle la suivit ; elle avait recouvré son énergie, et son œil étincelant annonçait une âme capable de venir à bout de la tâche qu’elle entreprenait. L’appartement où elles se trouvaient était situé dans une aile communiquant au principal corps de logis par un corridor long et obscur. Ce corridor était éclairé en ce moment, et elles aperçurent à l’autre extrémité quelques individus courant avec une impétuosité qui ne leur permit pas de reconnaître leurs traits.

— Avançons, dit miss Peyton avec une fermeté que sa physionomie démentait ; ils auront sans doute quelque respect pour notre sexe.

— Certainement, s’écria Isabelle en marchant la première ; et Frances fut laissée seule avec sa sœur. Elle resta quelques instants en silence, regardant les traits pâles de Sara avec une inquiétude qui l’absorbait au point qu’elle ne remarqua pas l’absence de ses deux compagnes. Tout à coup un craquement effrayant se fit entendre dans les appartements situés à l’étage supérieur, et en même temps une lumière brillante comme le soleil de midi pénétra dans l’appartement par la porte restée ouverte, et rendit tous les objets distincts à la vue. Sara se souleva, jeta un coup d’œil surpris autour d’elle, appuya ses deux mains sur son front comme pour tâcher de se rappeler ce qui venait de se passer, et regardant sa sœur d’un air égaré, lui dit en souriant :

— Je suis donc dans le ciel, et vous, vous êtes sans doute un des esprits bienheureux qui l’habitent ? Oh ! que cette lumière est belle ! Je sentais que le bonheur que j’éprouvais était trop grand pour la terre ; il ne pouvait durer ; mais nous nous reverrons, oui, oui, nous nous reverrons.

— Sara ! ma sœur ! s’écria Frances en proie aux plus vives alarmes, que dites-vous donc ? Ne souriez pas d’une manière si