Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/276

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CHAPITRE XXIII.


Et maintenant ses charmes se flétrissent rapidement ; la gaieté a fui loin d’elle. Hélas ! pourquoi la beauté ne peut-elle durer ! pourquoi de si douces fleurs se fanent-elles si vite ! Comme la vallée des années semble triste ! Quelle différence elle offre avec la scène trop flatteuse de la jeunesse ! Où sont allés ses admirateurs passionnés ? Ne s’en trouvera-t-il plus un en qui son cœur puisse avoir un appui ?
Le Tombeau de Cinthie.


Un torrent et un ouragan peuvent porter la désolation au milieu des plus belles scènes de la nature la guerre, avec sa main de fer, peut, de même que les éléments, accomplir une œuvre de destruction ; mais les passions seules peuvent bouleverser le cœur humain. Le torrent et l’ouragan sont bornés dans leurs ravages ; la terre, arrosée par le sang des combattants, semble vouloir indemniser les hommes de cette perte, en redoublant de fertilité ; mais le cœur peut essuyer des blessures que tous les efforts des mortels sont incapables de guérir.

Depuis quelques années, le cœur de Sara était rempli de l’image de Wellmere ; elle ne pensait à lui qu’avec les idées naturelles à son sexe et à sa situation, et à l’instant où elle croyait voir se réaliser ce qui n’avait encore été pour elle qu’un rêve, quand le moment était arrivé où elle allait faire la démarche la plus importante de sa vie, avec cet empressement qui ne laisse dans le sein d’une femme d’autre passion que l’amour, la découverte du véritable caractère de son amant avait été un coup trop cruel pour que ses facultés eussent pu le supporter. On a déjà vu que lorsqu’elle avait repris l’usage de ses sens pour la première fois, elle semblait avoir oublié tout ce qui venait de se passer ; et en la recevant des bras du capitaine Lawton, ses parents ne retrouvèrent en elle que l’ombre de ce qu’elle avait été.

De toute l’habitation de M. Wharton, il ne subsistait plus que les murs, et les murs, noircis par la fumée et dépouillés de tout ce qui en faisait l’ornement, semblaient de sombres vestiges de la paix et de la sécurité qui avaient régné si peu de temps auparavant dans l’intérieur de la maison. Le toit et les planchers de chaque étage étaient tombés jusque dans les caves, et ses débris