Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/280

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qui avait autrefois roulé d’une manière si imposante dans la rue tortueuse nommée Queen-Street, et qui s’était montrée avec une sombre dignité dans la promenade plus spacieuse de Broadway. Cette voiture était restée tranquillement sous la remise où elle avait été placée à son arrivée, et l’âge des chevaux, les favoris de César, avait seul empêché les maraudeurs des deux partis de s’en emparer. Le nègre, dont le cœur battait encore, s’occupa, à l’aide de quelques dragons, à mettre en état de recevoir les dames cette voiture pesante garnie en beau drap fané et terni, et dont les panneaux repeints dans la colonie, et sur lesquels leurs anciennes couleurs commençaient à reparaître, prouvaient qu’on y pratiquait encore fort mal l’art qui leur avait donné autrefois un vernis si brillant. Le lion couchant des armes de M. Wharton retrouvait autour de lui les armoiries d’un prince de l’Église, et la mitre qui commençait à briller sous son masque américain indiquait le rang du premier propriétaire de cet équipage. La chaise qui avait amené miss Singleton était intacte, car les flammes avaient épargné les remises, les écuries et toutes les dépendances extérieures et séparées de la maison. Le projet des maraudeurs n’était certainement pas de laisser les écuries si bien garnies ; mais l’attaque dirigée par Lawton avait déconcerté leurs arrangements, tant sur ce point que sur différents autres. On laissa sur les lieux un détachement sous le commandement d’Hollister qui, convaincu alors qu’il n’avait affaire qu’à des ennemis terrestres, prit sa position avec autant de sang-froid que d’habileté. Il se retira avec son peloton à quelque distance des ruines, de manière à être caché par les ténèbres, tandis que les restes de l’incendie l’éclairaient encore suffisamment pour voir les maraudeurs que la soif du pillage pourrait attirer.

Satisfait de cet arrangement judicieux, le capitaine Lawton fit ses dispositions pour se mettre en marche. Miss Peyton, ses deux nièces et Isabelle furent placées dans la voiture. La charrette de mistress Flanagan, bien garnie de matelas et de couvertures, reçut le capitaine Singleton et son domestique. Le docteur Sitgreaves se chargea de la chaise et de M. Wharton. À l’exception de César et de la femme de charge, on ignore ce que devinrent les autres domestiques de la maison pendant cette nuit fertile en événements, car aucun d’eux ne reparut. Après avoir pris toutes ces mesures, Lawton donna l’ordre du départ. Cependant il resta seul quelques instants sur la pelouse, ramassant quelque vaisselle