Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/289

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sa physionomie, les portèrent à croire qu’elle n’avait pas été blessée.

— Dieu soit loué ! s’écria miss Peyton toute tremblante ; le bruit du coup de feu et votre chute m’avaient fait concevoir des craintes terribles. Hélas ! nous avons vu cette nuit assez d’horreurs, et celle-ci pourrait bien nous être épargnée.

Isabelle pressa ses mains sur son sein en souriant encore, mais il y avait dans son sourire quelque chose qui glaça le sang de Frances, tandis que sa malheureuse compagne disait :

— George est-il encore bien loin ? informez-le… qu’il vienne bien vite, que je puisse voir mon frère encore une fois.

— Mes craintes étaient donc fondées ! s’écria miss Peyton… Mais vous souriez, sûrement vous n’êtes pas blessée.

— Je suis bien, tout à fait bien, murmura Isabelle la main toujours appuyée sur sa poitrine il y a un remède pour tous les maux.

Sara, qui était couchée près d’elle, se souleva et la regarda d’un air égaré. Elle étendit le bras, prit la main d’Isabelle, et vit qu’elle était teinte de sang.

— Voyez, dit-elle, c’est du sang, mais le sang est un remède contre l’amour. Mariez-vous, jeune fille, et alors personne ne pourra le bannir de votre cœur, à moins, ajouta-t-elle en baissant la voix et en se penchant vers sa compagne, à moins qu’une autre ne s’y trouve avant vous. En ce cas, mourez et allez au ciel : il n’y a pas de femmes dans le ciel.

La pauvre fille se cacha la tête sous les couvertures, et garda le silence tout le reste de la nuit. Ce fut en ce moment que Lawton arriva. Quoique habitué à voir la mort sous toutes ses formes, et toutes les horreurs d’une guerre de partisans, il ne put être témoin, sans la plus vive émotion, du spectacle qui s’offrit à ses yeux. Il se pencha sur le corps épuisé de miss Singleton, ses yeux exprimant les mouvements extraordinaires qui agitaient son âme.

— Isabelle, dit-il enfin, je sais que vous avez un courage au-dessus de la force de votre sexe.

— Parlez, lui dit-elle ; si vous avez quelque chose à me dire, parlez sans crainte.

— On ne peut survivre à une telle blessure, répondit-il en détournant la tête.

— Je ne crains pas la mort, Lawton, répondit Isabelle. Je vous remercie de ne pas avoir douté de mon courage. J’ai senti sur-le-champ que le coup était mortel.