Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/305

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le pareil dessein d’en gagner le sommet à pied. Le soleil était sur le point de se coucher, et les dragons avaient annoncé que du haut de cette montagne on pouvait voir le but si désiré du voyage. Frances marchait en avant avec le pas léger de la jeunesse, la femme de charge suivant à quelques pas. Elles eurent bientôt perdu de vue la voiture qui gravissait lentement la montée, et qui s’arrêtait de temps en temps pour laisser aux animaux qui la traînaient le temps de respirer.

— Ô miss Fanny, dans quel temps nous vivons ! s’écria Katy quand elles s’arrêtèrent pour reprendre haleine ; mais j’étais bien sûre qu’il arriverait de grands malheurs depuis que j’ai vu des raies de sang dans les nuages.

— Il n’en a été que trop répandu sur la terre, répondit Frances en frémissant ; mais je ne crois pas qu’on puisse jamais en voir dans les nuages.

— Pas de sang dans les nuages, miss Frances ! Si vraiment ! il y en a eu, et plus d’une fois, et des comètes avec des queues de feu. D’ailleurs, n’y a-t-on pas vu des hommes armés qui se battaient l’année d’avant la guerre ? Et la veille de la bataille des Plaines-Blanches, n’a-t-on pas entendu des coups de tonnerre qui ressemblaient au bruit du canon ? Ah ! miss Frances, rien de bon ne peut résulter d’une révolte contre l’oint du Seigneur !

— Les événements dont nous sommes témoins sont certainement terribles, dit Frances et ils suffisent bien pour abattre le cœur le plus ferme. Mais qu’y faire, Katy ? Des hommes braves et indépendants ne peuvent se soumettre à l’oppression, et je crois que de telles scènes ne sont que trop fréquentes dans une guerre.

— Encore si je pouvais savoir pour quelle raison on se bat ainsi ! dit Katy en se remettant en marche pour suivre sa jeune maîtresse ; les uns disent que le roi veut garder le thé pour sa famille, les autres qu’il veut avoir tout ce que les pauvres gens peuvent gagner dans ce pays, et à coup sûr il y a bien là de quoi se battre, car personne, que ce soit un lord ou un roi, n’a droit aux épargnes des autres. Mais d’un autre côté on dit aussi que Washington veut se faire roi lui-même ; et que faut-il croire de tout cela ?

— Rien, Katy, car rien de tout cela n’est vrai. Je ne prétends pas bien connaître les causes de la guerre, mais il me semble contre nature qu’un pays comme celui-ci soit sous la domination d’une contrée aussi éloignée que l’Angleterre : et tout en parlant