Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/316

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le bras en écharpe. Croyez-vous qu’il se serait montré dans les rangs au risque de retomber dans nos mains, s’il ne se fût senti fort de son innocence ?

— Si l’on eût livré un combat près de Tarrytown, dit l’autre juge, le major André aurait-il refusé d’y porter les armes ? N’est-il pas naturel à la jeunesse de chercher la gloire ?

— Donnez-vous le nom de gloire à une mort ignominieuse ? s’écria le major. Est-il glorieux de laisser après soi un nom flétri ?

— Major Dunwoodie, répondit le même juge avec une gravité imperturbable, vous avez agi noblement ; votre devoir était pénible et sévère, vous l’avez fidèlement et honorablement rempli… nous devons aussi nous acquitter du nôtre.

Pendant cet interrogatoire, le plus vif intérêt régnait dans tout l’auditoire. Avec cette sorte de raisonnement qui ne peut séparer le principe de la cause, la plupart des auditeurs pensèrent que si Dunwoodie ne pouvait réussir à émouvoir le cœur des juges de Henry, nul autre n’aurait ce pouvoir. César avançait la tête, et ses traits exprimant tout l’intérêt qu’il prenait à ce qui se passait, intérêt bien différent de la curiosité qu’on remarquait sur le visage des autres nègres, attirèrent l’attention du juge qui avait gardé le silence jusqu’alors. Il ouvrit la bouche pour la première fois.

— Qu’on fasse avancer le nègre.

Il était trop tard pour battre en retraite, et César se trouva placé en face des juges avant de pouvoir se rendre compte à lui-même des pensées qui l’occupaient. Le soin de l’interroger fut laissé au juge qui avait donné ordre qu’on le fît venir, et il y procéda avec un grand calme ainsi qu’il suit :

— Vous connaissez le prisonnier ?

— Moi devoir le connaître, répondit César d’un ton aussi sentencieux que celui du juge.

— Vous a-t-il donné la perruque lorsqu’il l’a quittée ?

— Moi pas besoin de perruque… pas manquer de cheveux.

— Avez-vous été chargé de porter quelque lettre, quelque message pendant que le capitaine Wharton était chez son père ?

— Moi toujours faire ce qui m’être ordonné.

— Mais que vous a-t-on ordonné de faire pendant ce temps ?

— Tantôt une chose, tantôt une autre.

— C’en est assez, dit le colonel Singleton avec dignité. Vous avez le noble aveu d’un homme bien né, que pouvez-vous atten-