Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/355

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en avant, mais je vois en arrière des gens qui vont nous donner une terrible chasse.

— Eh bien ! dit Henry en jetant loin de lui ce qui servait à le déguiser, profitons du temps, gagnons du terrain, il ne faut qu’un quart d’heure pour gagner le coude de la route ; pourquoi ne pas prendre le galop sur-le-champ ?

— Du calme, capitaine Wharton ; l’alarme a été donnée, mais les dragons ne monteront pas à cheval sans leur officier, à moins qu’ils ne nous voient fuir. Le voici qui arrive, il va à l’écurie. Mettez votre cheval au trot à présent. En voilà une douzaine qui sont en selle. L’officier s’arrête pour resserrer les sangles. Ils espèrent nous gagner de vitesse. Le voilà à cheval ; maintenant au galop, capitaine Wharton, au grand galop, il y va de la vie. Suivez-moi de près : si vous me quittez, vous êtes perdu.

Henry ne se fit pas répéter cet ordre. Dès qu’Harvey eut mis son cheval au galop, le capitaine en fit autant, et pressa par tous les moyens possibles sa misérable monture. Birch avait choisi lui-même la sienne, et quoiqu’elle fût bien inférieure aux coursiers pleins de feu et bien nourris des dragons de Virginie, elle valait beaucoup mieux que le petit bidet qu’on avait jugé devoir suffire à César Thompson pour faire une course. Quelques instants firent reconnaître à Henry que son compagnon prenait considérablement l’avance sur lui, et un regard effrayé qu’il jeta en arrière lui apprit que ses ennemis approchaient aussi rapidement. Avec ce sentiment d’abandon qui rend le malheur doublement insupportable quand on n’a personne pour le partager, il cria au colporteur de ne pas l’abandonner. Harvey s’arrêta aussitôt pour l’attendre, et ralentit la course de son cheval de manière à ce que son compagnon pût le suivre. Son chapeau à cornes et sa perruque étaient tombés à l’instant où il avait pris le galop. Dépouillé de ce travestissement, il fut reconnu par les dragons, qui annoncèrent leur découverte par de grands cris qui retentirent aux oreilles des fugitifs, tant était court l’intervalle qui les en séparait.

— Ne ferions-nous pas mieux de descendre de cheval, dit Henry, et de gagner à travers les champs les montagnes à notre gauche ? Les haies arrêteront les cavaliers.

— Ce chemin conduit tout droit au gibet, répondit le colporteur. Ces drôles font trois pas pendant que nous en faisons deux, et ces haies ne les inquiéteraient pas plus que ces ornières ne