Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/356

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nous gênent. Nous n’avons plus qu’un petit quart de mille à faire pour arriver au coude ; derrière le bois, la route bifurque ; les dragons pourront s’arrêter pour chercher à reconnaître lequel des deux chemins nous aurons pris, et pendant ce temps nous gagnerons un peu de terrain.

— Mais cette misérable rosse est déjà épuisée, s’écria Henry en frappant son cheval avec le bout de sa bride, tandis qu’Harvey secondait ses efforts par des coups de houssine bien appliqués ; il est impossible qu’elle résiste encore dix minutes.

— Il ne nous en faut que cinq, répondit le colporteur. Cinq minutes nous sauveront si vous suivez mes avis.

Encouragé par le sang-froid et l’air de confiance de son compagnon, Henry garda le silence et continua à presser la marche de son cheval. Quelques instants les conduisirent au coude si désiré, et en tournant un petit bois taillis, les fugitifs aperçurent les dragons qui les poursuivaient, courant à toute bride sur le grand chemin. Mason et Hollister, étant mieux montés que les autres, étaient en avant, et plus près d’eux que le colporteur lui-même ne le jugeait possible.

Au pied des montagnes, et jusqu’à une certaine distance dans la vallée sombre qui serpentait entre elles, un taillis épais était élevé en place de grands arbres qu’on avait abattus pour en faire du bois à brûler. En voyant cet abri, Henry proposa de nouveau à son compagnon de mettre pied à terre et de s’enfoncer dans les broussailles. Mais Harvey ne lui répondit que par un signe négatif. Les deux routes dont il a été parlé se rejoignaient à assez peu de distance du coude de la route, en formant un angle aigu mais toutes deux tournaient sans cesse, de sorte que la vue ne pouvait s’y étendre bien loin. Le colporteur prit celle qui conduisait à gauche mais il n’y resta qu’un instant, car trouvant un endroit où le taillis était moins épais, il y entra sur-le-champ, gagna la route sur la droite, et la quitta pareillement pour gravir une montagne qui était en face d’eux. Cette manœuvre les sauva. En arrivant à l’endroit où le chemin se divisait, les dragons suivirent les traces des pas des deux chevaux, et ils avancèrent bien au-delà de l’endroit où les fugitifs avaient quitté cette route avant de s’apercevoir qu’ils en avaient perdu la piste. Tandis que leurs montures essoufflées gravissaient péniblement la montagne, Henry et le colporteur entendirent les dragons pousser de grands cris, et se dire les uns aux autres de reprendre le chemin sur la