Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/358

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heures avant que la lune se lève ; croyez-vous que quelqu’un songe à nous poursuivre, pendant une nuit de novembre, au milieu de ces rochers et de ces précipices.

— Mais écoutez, dit Henry ; j’entends les cris des dragons : ils s’aperçoivent déjà qu’ils suivent une fausse piste.

— Montez sur cette pointe de rocher, et vous pourrez les voir, dit Birch en s’asseyant tranquillement pour se reposer. Tenez, ils nous ont aperçus ; voyez-vous qu’ils nous montrent du doigt ? Bon, en voilà un qui nous tire un coup de pistolet ; mais la distance est trop grande ; une balle de mousquet ne pourrait arriver jusqu’à nous.

— Mais ils nous poursuivront ! s’écria Henry avec impatience ; remettons-nous en marche.

— Ils n’en feront rien, répondit le colporteur en recueillant avec beaucoup de sang-froid quelques fruits sauvages, et les mettant dans sa bouche pour se rafraîchir sans se donner la peine d’en ôter les feuilles. Comment pourraient-ils avancer ici avec leurs grosses bottes, leurs éperons et leurs grands sabres ? Non, non ; il faut qu’ils retournent au camp, et qu’ils fassent marcher de l’infanterie dans ces défilés ou un cavalier ne peut rester en selle qu’en tremblant. Allons ! suivez-moi, capitaine Wharton ; nous avons une marche pénible à faire, mais je vous conduirai dans un endroit où personne ne songera à se hasarder cette nuit.

À ces mots, ils se levèrent tous deux, et les rochers et les cavernes les dérobèrent bientôt à tous les yeux.

Le colporteur ne s’était trompé dans aucun de ses calculs. Mason et ses dragons avaient descendu la montagne avec précipitation, poursuivant leurs victimes, comme ils le supposaient ; mais en arrivant au bas, il n’y avaient trouvé que les deux chevaux sans cavaliers. Ils passèrent quelque temps à examiner les bois dont ils étaient voisins, et à voir s’il était possible que de la cavalerie y pénétrât et ce fut tandis qu’ils s’occupaient de cet examen qu’un dragon vit Harvey et Henry sur une pointe de rocher, et les fit apercevoir à son lieutenant.

— Il est sauvé s’écria Mason, ne songeant d’abord qu’au colporteur ; il est sauvé, et nous sommes déshonorés ! De par le ciel ! Washington ne nous confiera pas la garde d’un tory suspect, si nous souffrons que ce misérable se joue ainsi des dragons de Virginie ! Et ce capitaine anglais qui est à côté de lui, il me semble que je le vois jeter sur nous un sourire de bienveillance ou plutôt