Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/38

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canne à demi cachés sous les amples plis de beaux rideaux de damas qui avaient orné le salon de Queen-Street, et qui, ayant été transportés aux Sauterelles, annonçaient d’une manière agréable à l’œil les précautions qu’on avait prises contre l’approche de l’hiver. Le capitaine Wharton alla s’asseoir à l’extrémité d’un de ces bancs, de manière que le rideau le rendait presque invisible, tandis que Frances s’empara de l’autre, avec un air de contrainte qui contrastait fortement avec sa franchise habituelle.

Harvey Birch avait été colporteur depuis sa première jeunesse. Il le disait du, moins, et les talents qu’il montrait dans l’exercice de cette profession portaient à croire qu’il disait vrai. On le supposait né dans une des colonies situées à l’est, et d’après un air d’intelligence supérieure qu’on remarquait dans son vieux père, on pensait qu’ils avaient vu des jours plus heureux dans le pays de leur naissance. Quant au fils, rien ne semblait le distinguer des gens de sa classe que son adresse dans son métier, et le mystère qui couvrait toutes ses opérations. Il y avait alors dix ans qu’ils étaient arrivés tous deux dans cette vallée, et ils avaient acheté l’humble chaumière à la porte de laquelle M. Harper avait d’abord inutilement frappé. Ils y avaient vécu paisiblement, presque ignorés, et sans chercher à se faire connaître. Pendant qu’Harvey s’occupait de son négoce avec une activité infatigable, le père cultivait son petit jardin et se suffisait à lui-même ; l’ordre et la tranquillité qui régnaient chez eux leur avaient attiré assez de considération dans le voisinage pour déterminer une vierge de trente-cinq ans à entrer dans leur maison, pour s’y charger de tous les soins domestiques. Les roses qui avaient fleuri autrefois sur le visage de Katy Haynes s’étaient fanées depuis maintes années ; elle avait vu successivement toutes ses connaissances des deux sexes contracter une union qui lui paraissait fort désirable, sans espoir d’arriver jamais au même but, quand avec ses vues particulières elle entra dans la famille de Birch. Elle était propre, industrieuse, honnête, bonne ménagère ; mais d’une autre part elle était bavarde, superstitieuse, égoïste et curieuse. À force de chercher avec persévérance toutes les occasions de satisfaire ce dernier penchant, elle n’avait pas encore vécu cinq ans dans cette famille, qu’elle se trouva en état de déclarer d’un air de triomphe qu’elle savait tout ce qui était arrivé au père et au fils pendant tout le cours de leur vie. Le fait était pourtant que tout son savoir se réduisait à avoir appris, à force d’écouter aux portes,