Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/387

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avaient débarqué sur ces terrains élevés qui forment, sur cette partie du fleuve, les rives orientales de l’Hudson. S’écartant un peu du grand chemin, et se mettant sous l’abri d’un petit bois de cèdres, le colporteur s’assit sur la plate-forme d’un rocher, et dit à son compagnon que l’heure de se reposer et de se rafraîchir était enfin arrivée. Il faisait alors grand jour, et l’on pouvait voir distinctement tous les objets dans l’éloignement. Sous leurs pieds coulait l’Hudson, s’étendant vers le sud en ligne droite, aussi loin que la vue pouvait atteindre. Au nord, les montagnes montraient leurs têtes élevées par-dessus les masses de brouillard suspendues sur le fleuve, et qui en faisaient reconnaître le cours au milieu des rochers, dont les sommets, de forme conique, se groupaient les uns derrière les autres dans un désordre qu’on aurait pu supposer être la suite de leurs efforts infructueux pour arrêter dans leur course ces eaux majestueuses et puissantes. Sortant de ce labyrinthe de montagnes, le fleuve, comme se livrant à la joie d’être sorti vainqueur de cette lutte, formait une grande baie, ornée par quelques pointes de terre basse et fertile qui s’avançaient humblement dans son vaste bassin. Sur la rive opposée, c’est-à-dire du côté de l’ouest, les rochers de Jersey se montraient, formant cette barrière qui leur a fait donner le nom de palissades, et s’élevant à plusieurs centaines de pieds comme pour protéger contre une invasion le riche pays situé derrière eux. Mais méprisant un tel ennemi, le fleuve roulait fièrement ses eaux à leur pied, et continuait sa marche vers l’Océan. Un rayon du soleil levant frappa le brouillard suspendu sur les eaux tranquilles de l’Hudson, et à l’instant toute la scène parut en mouvement, changeant de forme, et offrant à la vue des images sans cesse renouvelées. À l’époque où nous écrivons, lorsque le matin lève ce grand rideau de la nature, on voit flotter sur le fleuve des vingtaines de navires, ornés de leurs voiles blanches, avec cet air de vie qui annonce le voisinage de la métropole d’un grand et florissant empire ; mais il n’offrait alors aux yeux de Henry et du colporteur que les vergues carrées et les mâts élevés d’un vaisseau de guerre qui était à l’ancre à quelques milles de distance. Avant que le brouillard se fût dissipé, on n’apercevait que les mâts, et l’un d’eux soutenait un pavillon, agité par le vent de la nuit ; mais à mesure qu’il commença à s’élever, on vit paraître successivement le corps noir du navire, la masse compliquée de ses agrès, ses vergues et ses arcs-boutants, qui semblaient de longs bras étendus.