Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/47

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gne, longtemps et souvent répété, avait redressé les cheveux de son front au point qu’ils se tenaient raides et droits sur sa tête, ce qui semblait ajouter au moins deux pouces à sa taille. Son teint d’un noir éclatant dans sa jeunesse, avait perdu tout son lustre et était devenu d’un brun foncé. Ses yeux, placés à une distance formidable l’un de l’autre, étaient petits, mais caractérisés par une expression de bonne humeur, qui n’était interrompue que par de courts accès de pétulance qu’on excusait dans un ancien serviteur ; mais en ce moment ils étaient animes par la joie la plus vive. Son nez ne manquait de rien de ce qui constitue le sens de l’odorat, mais il avait assez de modestie pour ne pas se mettre en avant, et ses larges narines n’incommodaient jamais ceux dont il approchait. Sa bouche fendue d’une oreille à l’autre n’était supportable qu’à cause des deux rangs de perle qui s’y trouvaient. Sa taille était petite, et nous aurions dit carrée, si les lignes courbes et anguleuses qu’on y remarquait n’eussent été un obstacle invincible à toute symétrie géométrique. Ses bras longs et nerveux se terminaient par deux mains amaigries, qui offraient d’un côté un gris noirâtre, et de l’autre un rouge passé. Mais c’était dans ses jambes que la nature s’était montrée surtout fantasque. La matière n’y manquait pas, mais elle n’avait pas été employée judicieusement. Les mollets en étaient placés, non par derrière, non par devant, mais de côté et si près du genou qu’on pouvait douter qu’il eût le libre usage de cette articulation. Quant au pied, en le considérant comme la base sur laquelle le corps doit s’appuyer, César n’avait pas lieu de se plaindre si ce n’est que la jambe était placée si près du centre qu’on aurait pu mettre en question s’il ne marchait pas à reculons. Au surplus, quelques défauts qu’un statuaire eût[1] pu découvrir dans sa conformation, le cœur de César était sans doute bien placé, et d’une dimension convenable.

Il venait avec sa vieille compagne offrir un tribut de remerciements à miss Sara, qui les reçut avec bonté, en faisant des compliments au mari sur son goût, et en assurant la femme que cette étoffe lui irait à merveille. Frances s’approcha de Dina, qui avait été sa nourrice, prit entre les siennes sa main ridée et desséchée, et lui dit avec un sourire qui répondait parfaitement à l’air de plaisir du nègre et de sa femme, qu’elle voulait se charger elle-

  1. L’auteur a voulu ici peindre un nègre au grotesque ; car il y a aussi le beau idéal nègre, comme par exemple dans le monument funèbre de Fox à Wesminster-Abbey