Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/68

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un instant avec cet air de causticité plaisante qui semblait le caractériser, et lui dit ensuite :

— C’est un nouveau personnage qui arrive en scène. Vous savez qu’il est d’usage que les étrangers se fassent connaître l’un à l’autre. Je me nomme Lawton, capitaine dans la cavalerie de la Virginie.

— Et moi, Monsieur, je me nomme Wharton, capitaine dans le 60e régiment d’infanterie de Sa Majesté Britannique, répondit Henry en le saluant avec une sorte de raideur qui fit place sur le-champ à l’air dégagé qui lui était naturel.

La physionomie de Lawton changea tout à coup, et toute disposition à plaisanter en disparut. Il regarda le jeune officier qui se tenait devant lui, la tête droite et avec cet air de fierté annonçant qu’il dédaignait tout autre déguisement, et il lui dit avec un ton d’intérêt véritable :

— Capitaine Wharton, je vous plains de toute mon âme.

— Si vous le plaignez, s’écria le père hors de lui, pourquoi chercher à l’inquiéter ? Ce n’est pas un espion. Il n’est venu ici déguisé que pour voir sa famille. Il n’est pas de sacrifice que je ne sois disposé à faire pour sa sûreté, et je suis prêt à payer telle somme que…

— Monsieur, dit Lawton avec hauteur, vous oubliez à qui vous parlez. Mais l’intérêt que vous prenez à votre fils est trop naturel pour ne pas vous servir d’excuse. Lorsque vous êtes venu ici, capitaine, ignoriez-vous que les piquets de notre armée étaient dans la Plaine-Blanche ?

— Je ne l’ai appris qu’en y arrivant, répondit Henry, et il était trop tard pour reculer. Je ne suis venu ici que pour voir mes parents, comme mon père vous l’a dit. On m’avait assuré que vos avant-postes étaient à Peekshill, près des montagnes, sans quoi je n’aurais pas quitté New-York.

— Tout cela peut être vrai, dit Lawton après un moment de réflexion, mais l’affaire d’André nous a donné l’éveil. Quand des officiers-généraux se chargent d’un pareil rôle, capitaine, les amis de la liberté doivent être sur leurs gardes.

Henry ne répondit rien, et Sara se hasarda à dire quelques mots en faveur de son frère. Lawton l’écouta avec politesse, et même avec un air d’intérêt ; mais voulant éviter des instances inutiles et embarrassantes : — Miss Wharton, lui dit-il, je veillerai à ce que votre frère soit traité avec tous les égards qu’il mérite,