Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/75

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parler avec cette froideur, Frances, — à moi dont le cœur a si fidèlement conservé votre image pendant tant de jours de fatigue et tant de nuits d’alarmes ?

— Cher Dunwoodie ! répondit Frances, les yeux humides, en lui tendant de nouveau la main, vous connaissez mes sentiments. Cette guerre une fois terminée, cette main vous appartient pour toujours ; mais je ne puis consentir à m’unir à vous par un nœud plus étroit que celui qui joint déjà nos cœurs, tant que vous porterez les armes contre mon frère, contre ce frère qui, en ce moment même, attend votre décision pour recouvrer la liberté ou être conduit à une mort probable.

— Votre frère ! s’écria Dunwoodie en tressaillant et en pâlissant : votre frère ! expliquez-vous ! Que signifient des expressions qui m’alarment ?

— Le capitaine Lawton ne vous a-t-il pas dit qu’il a arrêté ce matin Henry comme espion ? dit Frances d’une voix que l’excès de son émotion rendait presque inintelligible, et en levant sur lui des yeux qui semblaient en attendre la vie ou la mort.

— Il m’a dit qu’il avait arrêté un capitaine du 60e régiment, déguisé, mais j’ignorais que ce fût votre frère, répondit Dunwoodie avec une agitation qu’il s’efforça de cacher en baissant la tête sur ses deux mains.

— Dunwoodie, s’écria Frances se livrant alors entièrement à la crainte, que signifie cette émotion ? Sûrement, bien sûrement, vous n’abandonnerez pas votre ami, mon frère, le vôtre ! Vous ne l’enverrez pas à une mort ignominieuse !

— Frances ! s’écria le jeune officier au désespoir, que puis-je faire ? que voulez-vous que je fasse ?

— Quoi ! dit Frances en le regardant d’un air égaré, le major Dunwoodie livrerait-il son ami entre les mains d’un bourreau, le frère de celle qu’il veut nommer son épouse ?

— Chère miss Wharton, s’écria le major, chère Frances, ne m’adressez pas de pareils reproches : je voudrais en ce moment mourir pour vous, pour votre frère. Mais puis-je trahir mon devoir ? Puis-je manquer à mon honneur ? Vous me mépriseriez vous-même si j’en étais capable.

— Peyton Dunwoodie, dit Frances, le visage couvert d’une pâleur mortelle, vous m’avez dit, vous m’avez juré que vous m’aimiez.

— Je le jure encore, répondit le major avec ferveur.