Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/94

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— Appelez-vous un succès la déroute de ces Vachers indisciplinés, de ces automates hessois ? Vous parlez de cette affaire et de votre fameux Dunwoodie, car je ne lui accorde pas le titre de major, comme si les gardes du roi avaient été battus.

— Et vous me permettrez de vous dire, colonel, que si les gardes du roi se trouvaient en face de cette cavalerie, ils verraient qu’ils n’ont pas affaire à un ennemi si méprisable. Savez-vous que M. Dunwoodie est un des officiers les plus estimés de l’armée de Washington ?

— Dunwoodie répéta le colonel, je connais ce nom, et je crois avoir vu quelque part l’individu qui le porte.

— On m’a dit que vous l’aviez vu un instant dans la maison de mon père à New-York.

— Ah ! je me rappelle le jeune homme, dit Wellmere avec un sourire ironique ; et voilà à quels guerriers le tout-puissant congrès confie la conduite de ses troupes

— Demandez au commandant de vos Hessois s’il croit le major Dunwoodie digne de cette confiance, s’écria Henry mécontent d’entendre parler d’un ton si léger de son ancien ami, et dans un moment si peu convenable.

Wellmere était loin de manquer de cette espèce d’orgueil qui fait qu’un homme se conduit avec bravoure en face de l’ennemi. Il avait servi assez longtemps en Amérique, mais il n’avait jamais eu affaire qu’à de nouvelles recrues ou aux milices du pays. Ces troupes combattaient quelquefois et même avec courage ; mais il leur arrivait aussi souvent de prendre la fuite sans brûler une amorce. Il avait trop de penchant à juger des choses par l’extérieur, et il croyait impossible que des hommes dont les guêtres étaient si propres, qui marchaient avec tant de régularité, et qui faisaient un quart de conversion avec une précision si exacte, fussent jamais battus. Outre ces avantages, ils avaient celui d’être Anglais, et par conséquent leur triomphe était certain. Le colonel Wellmere avait vu peu de champs de bataille, sans quoi il aurait vu s’évanouir depuis longtemps ses idées qu’il avait apportées d’Angleterre et qu’avaient nourries et augmentées les préjugés d’une ville de garnison. Il écouta la réplique un peu vive du capitaine Wharton avec un sourire hautain, et lui dit ensuite :

— Vous ne voudriez sûrement pas, Monsieur, que nous fissions retraite devant cette fameuse cavalerie sans essayer de lui