Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/111

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— L’expression est impropre, mistress Dutton ; et pourtant c’est ce que disent des millions d’hommes. Cette manière de célébrer un grand événement, et de proclamer ce qu’on regarde comme ses principes, est un vice non-seulement de notre siècle, mais de notre pays.

— Je vois pourtant que ni vous ni sir Gervais Oakes vous ne trouvez nécessaire de donner une telle preuve de votre attachement à la maison de Hanovre, et de votre détermination de lui consacrer votre temps et vos services.

— Vous vous souviendrez, ma bonne dame, qu’Oakes et moi nous sommes des amiraux chargés d’un commandement, et qu’il ne nous conviendrait pas de commettre un acte d’intempérance, à la vue de nos propres vaisseaux. Quoi qu’il en soit, je suis charmé de voir que M. Wychecombe préfère la compagnie dans laquelle je le trouve aux plaisirs de la table.

Le lieutenant salua, et Mildred jeta sur le contre-amiral un coup d’œil de satisfaction, sinon de reconnaissance. Sa mère continua un entretien qui faisait diversion à son émotion.

— J’en rends grâce à Dieu, s’écria-t-elle, ne songeant pas au sens qu’on pouvait attacher à ses paroles. — Tout ce que nous connaissons de M. Wychecombe doit nous porter à croire que sa tempérance n’est ni accidentelle ni extraordinaire.

— Tant mieux pour lui, ma chère dame. — Je vous félicite, jeune homme, de ce triomphe des principes, ou du tempérament, ou des deux causes réunies. Nous appartenons à une profession dans laquelle la bouteille est un ennemi plus à craindre qu’aucun de ceux que nous puissions avoir à combattre. Un marin ne peut appeler aucun allié à son secours pour l’aider à vaincre cet ennemi mortel d’un esprit intelligent et cultivé. Un homme qui pense réellement beaucoup boit rarement beaucoup. Mais il y a dans un vaisseau des heures, des semaines, des mois d’oisiveté, pendant lesquels la tentation de recourir à ce genre de distraction devient trop forte pour des esprits qui ne sont pas habitués à y résister. C’est particulièrement ce qui arrive aux commandants ; car, se trouvant isolés par leur rang, et accablés par la responsabilité dont ils sont chargés, ils cherchent dans la bouteille les moyens d’échapper aux pensées qui les tourmentent, et de se passer de toute autre compagnie. Je crois que le moment critique de la vie d’un marin se trouve dans les premières années qu’il a obtenu un commandement.

— Que cela est vrai ! s’écria mistress Dutton ; oh ! ce cutter, ce cruel cutter !