Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/126

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— Pas le moins du monde, sir Gervais, répondit Tom avec un de ses sourires sinistres. Vous savez que ce n’est qu’un Virginien, et par conséquent il ne peut appartenir à notre famille. J’ai entendu plus d’une fois mon oncle dire que ce jeune homme devait descendre d’un ancien domestique de son père, qui, ayant été arrêté tandis qu’il volait de l’argenterie dans la boutique d’un orfèvre, où il se faisait passer comme étant de notre famille, fut condamné à être déporté. On m’assure, sir Gervais, que la plupart des habitants des colonies descendent de pareils ancêtres.

— Je ne puis dire que je m’en sois jamais aperçu, quoique j’aie servi plusieurs années à la station de l’Amérique septentrionale, quand je commandais une frégate. La plus grande partie des Américains, comme la plus grande partie des Anglais, sont d’humbles laboureurs et ouvriers, établis dans une colonie éloignée, où la civilisation n’est pas très-avancée, ayant beaucoup de besoins et peu de ressources ; mais, quant à leur caractère, je ne suis nullement certain qu’ils ne soient pas au niveau des gens de leur classe qu’ils ont laissés dans la mère-patrie. Quant aux colons d’un ordre plus relevé, j’en ai vu un grand nombre qui appartiennent aux meilleures familles de l’Angleterre, des fils cadets ou leurs descendants, j’en conviens, mais ayant des ancêtres honorables et respectés.

— Eh bien, Monsieur, cela me surprend, et je suis persuadé que ce n’est pas l’opinion générale. Certainement, ce n’est pas le fait relativement à cet étranger. Je puis lui donner ce nom, car il est étranger à Wychecombe, et il n’a pas le moindre droit de prétendre faire partie de notre famille.

— L’avez-vous jamais entendu revendiquer cet honneur, Monsieur ?

— Non directement, sir Gervais ; mais on m’assure qu’il a donné à entendre bien des fois qu’il y avait droit, depuis qu’il a débarque ici pour se faire guérir de ses blessures. Il aurait mieux fait d’exposer ses droits au propriétaire que d’en parler à ses tenanciers. Je crois que, comme homme d’honneur, vous en conviendrez avec moi, sir Gervais.

— Je ne puis approuver rien de clandestin dans des affaires qui exigent de la droiture et de la franchise, monsieur Thomas Wychecombe. Mais je dois vous faire mes excuses de vous parler de vos affaires de famille, qui ne me concernent que par suite de l’intérêt que je prends à ma nouvelle connaissance, votre digne oncle.

— Indépendamment de son domaine, sir Wycherly a dans les fonds publics un capital qui n’est pas substitué, et je sais qu’il fait un testament, continua Tom, qui, avec la vue courte d’un fripon