Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/139

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contre-amiral avait opiniâtrement persisté à se conformer à son habitude de passer toutes les nuits sur son bord, et l’on a déjà vu de quelle manière il avait offert à ses deux belles compagnes, car mistress Dutton pouvait encore mériter cette épithète, de les reconduire chez elles. Son motif avait été simplement de les soustraire à de nouvelles brutalités que pourraient inspirer à Dutton sa cupidité et le vin qu’il avait bu ; et avec cette intention charitable, il n’était pas probable qu’il revînt sans nécessité sur la scène désagréable dont il avait été témoin. Il n’en fut donc aucunement parlé pendant le quart d’heure qui fut employé à aller de Wychecombe-Hall à la station. Tous parlèrent avec regret et compassion de la situation du pauvre baronnet, et Bluewater écouta avec empressement les deux dames citer quelques anecdotes prouvant la bonté du cœur du malade. Au bout du temps que nous avons mentionné, le voiture s’arrêta devant la porte de la maison de Dutton, et tous trois en descendirent.

Si la matinée de ce jour avait été voilée par les vapeurs, le soleil s’était couché sous un ciel aussi pur qu’on puisse le voir couronner d’un dôme l’île de la Grande-Bretagne. La nuit était éclairée par un beau clair de lune. Ce n’était certainement pas cette clarté presque rivale de celle du jour dont on jouit si souvent dans des atmosphères plus pures ; mais le panorama du promontoire était empreint d’une lueur douce et presque magique, qui rendait les objets suffisamment visibles, et qui ajoutait considérablement à leur beauté. Les inégalités du sol et la verdure qui le couvrait offraient un repos à la vue, tandis que les beaux chênes du parc du baronnet l’arrêtaient à l’arrière-plan. Du côté de la mer, l’Océan briffait à perte de vue, et semblait rivaliser avec le firmament. Si notre hémisphère, ou plutôt notre latitude, peut se vanter d’un ciel plus pur que celui de la mère-patrie, la teinte de l’eau donne à celle-ci une grande supériorité. Tandis que toute la côte de l’Amérique est bornée par une vaste et sombre nappe d’eau verte, le bleu d’azur de l’Océan semble s’être retiré le long des côtes de l’Europe. Cette glorieuse teinte, d’où est venue l’expression outremer, est surtout remarquable dans la Méditerranée, Cette mer de délices ; mais on la rencontre aussi le long des côtes du Portugal et de l’Espagne, et dans toute la Manche, jusqu’à ce qu’on la perde sur les bas-fonds de la Mer du Nord, pour la retrouver ensuite dans les profondeurs de l’Océan qui baigne la côte sauvage mais romantique de la Norvège.

— Quelle belle nuit ! s’écria Bluewater en offrant la main à Mildred pour descendre de voiture, après avoir rendu le même service à sa