Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il savait en tirer bon parti. Le vice-amiral connaissait parfaitement ce fait important, fait que les membres du congrès d’Amérique et ceux du parlement d’Angleterre oublient si souvent, ou pour mieux dire ignorent complétement, que la force d’une escadre s’amoindrit en raison des mauvais bâtiments qui en font partie. Il importe peu que quatre ou cinq bâtiments d’une escadre soient fins voiliers et manœuvrent bien, si les huit ou dix autres sont lourds et ne répondent pas à la manœuvre. Quand on met à l’épreuve ce qu’ils peuvent faire, la séparation des bâtiments en est la suite inévitable ; et cette séparation est le premier pas vers une défaite, comme sa concentration est la principale condition pour une victoire. Les plus mauvais bâtiments ne pouvant imiter les meilleurs, ceux-ci sont obligés de régler leurs mouvements sur ceux des autres, ce qui abaisse nécessairement les meilleurs bâtiments d’une escadre au niveau des plus mauvais ; proposition par laquelle nous avons commencé.

Sir Gervais Oakes jouissait d’une telle faveur près de l’amirauté, que tout ce qu’il demandait lui était ordinairement accordé. Une de ses conditions était que tous ses bâtiments fussent également fins voiliers. — Si vous me donnez des bâtiments fins voiliers, disait-il, je puis atteindre l’ennemi ; dans le cas contraire, c’est l’ennemi qui m’atteindra ; et je vous laisse à juger laquelle de ces deux hypothèses amènera le plus probablement un combat. Dans tous les cas, donnez-moi des bâtiments de conserve ; non des bâtiments dont l’un soit léger et l’autre pesant, mais des bâtiments qui puissent se héler l’un l’autre, sans être obligés de s’attendre. L’amirauté montrait tout le désir possible d’obliger l’intrépide commandant ; et comme il avait résolu de ne jamais quitter le Plantagenet tant que ce bâtiment serait en état de tenir la mer, il était indispensable de lui trouver autant de bons voiliers qu’il était possible pour qu’ils pussent toujours le suivre. Il en résultait qu’il commandait une escadre de chevaux de course, comme Galleygo avait coutume de le dire ; et l’on disait généralement dans le service de la marine qu’Oakes avait une escadre ailée, sinon une escadre volante.

Des bâtiments comme ceux dont nous venons de parler frappent ordinairement les yeux par la grâce et la symétrie de leurs formes. Quoique habituée à voir des bâtiments, Mildred remarqua ce fait, et elle se hasarda à exprimer son admiration, après avoir passé plus d’une minute à considérer ce grand spectacle.

— Vos vaisseaux me paraissent plus beaux que de coutume, amiral Bluewater, dit-elle, quoiqu’un vaisseau soit toujours pour moi un objet attrayant.