Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/177

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inutile l’application de cet instrument. L’apoplexie est une détermination du sang à la tête, et en en diminuant la quantité dans les veines des bras ou des tempes, on en diminue la pression sur le cerveau.

— Pratique de novice, amiral, rien de plus. Voulez-vous bien me dire à présent si le malade avait la face rouge, ou blanche ? Tout dépend de là. C’est le vrai symptôme diagnostique de cette maladie.

— Rouge, je crois ; n’est-ce pas, Bluewater ? — Rouge comme du vin de Porto ; et je crois que le pauvre homme en avait bu plus qu’une dose convenable.

— En ce cas, vous n’avez pas fait trop mal ; mais d’autres m’ont dit qu’il avait le visage pâle comme la mort, et si cela est, vous avez été bien près de commettre un meurtre. Il y a un principe à consulter pour juger de tous les cas d’apoplexie parmi vos vrais gentilshommes campagnards, et c’est que le système est affaibli chez eux par un dévouement habituel à la bouteille. En pareil cas, rien ne peut être plus nuisible que la saignée. Mais je ne veux pas être sévère à votre égard, sir Gervais, et je n’en dirai pas davantage à ce sujet, quoique je n’aime point à vous voir braconner ainsi sur mes terres. Sir Wycherly est en ce moment matériellement mieux, et il exprime, aussi bien que peut le faire un homme qui n’a pas la parole très-libre, le désir de faire son testament. Dans les cas ordinaires d’apoplexie, il est d’une bonne pratique de s’opposer à l’exécution d’un pareil désir ; mais comme c’est ma ferme opinion que rien ne peut sauver la vie du malade, je ne m’opposerai pas à cette mesure dans ce cas particulier. Dans ma jeunesse, Messieurs, il y eut à Édimbourg une discussion très-curieuse sur la question de savoir si les considérations tirées de la nécessité de disposer des propriétés du malade, ou celles puisées dans l’intérêt de sa sûreté, devaient avoir la prépondérance dans l’esprit du médecin, quand on pouvait raisonnablement douter si l’acte de faire un testament affecterait ou n’affecterait pas essentiellement le système nerveux, dérangerait ou ne dérangerait pas les autres fonctions animales. On argumenta très-joliment, en excellent latin d’Édimbourg, sur le pour et le contre. Au total, les médecins eurent l’avantage sur les avocats, car ils pouvaient montrer un mal présent probable, comme opposé à un bien éloigné possible.

— Sir Wycherly a-t-il prononcé mon nom ce matin, Magrath ? demanda sir Gervais.

— Oui, sir Gervais, et d’une manière qui avait un rapport si manifeste à son testament, que je suis convaincu que vous serez du nombre de ses légataires. Il a aussi parlé de l’amiral Bluewater.