Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/234

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large, il fut obligé de diminuer toutes ses petites voiles, et quand il fit servir, après avoir donné ses ordres à la frégate et au sloop, les écoutes de perroquet furent larguées ou bordées ; les huniers amenés à un ris pris dans chacun d’eux ; et un instant après, ils furent hissés sur les perroquets bordés. La nuit menaçait d’être sombre, sinon tout à fait obscure, ce qui, joint au changement de temps, devait nécessairement amener un changement analogue dans le projet du vice-amiral, et réduire de moitié les intervalles de départ entre ses bâtiments. Toutes les opérations navales sont exposées à de pareilles vicissitudes et l’on est fort heureux quand les chefs ont assez de talent pour y remédier.

En moins d’une heure, du pont des vaisseaux au mouillage on n’apercevait plus que le haut des mâts du Plantagenet. Alors le Carnatique leva l’ancre, établit ses voiles, fit route ; et suivit si exactement celle de l’amiral, qu’une demi-heure après son départ, il retira de la mer un seau qu’on avait laissé tomber de la poulaine du Plantagenet en puisant de l’eau. Nous pouvons ajouter ici, quoique ce soit anticiper un peu sur les événements, que le Foudroyant suivit le Carnatique, le Blenheim le Foudroyant, l’Achille le Blenheim, le Warspite l’Achille, le Douvres le Warspite, l’York le Douvres, l’Élisabeth l’York, le Dublin l’Élisabeth, et le César le Dublin. Mais il se passa une heure entre l’appareillage successif de chacun de ces bâtiments, ce qui nous donnera le loisir de rapporter certains incidents qui se passèrent à terre pendant ce temps. Cependant, pour aider le lecteur à mieux comprendre les événements futurs de notre histoire, nous commencerons par dire un mot de quelques-unes des circonstances qui accompagnèrent le départ de ces bâtiments.

Lorsque les huniers du Plantagenet commencèrent à disparaître aux yeux de ceux qui étaient sur le haut des rochers, le Carnatique, le Foudroyant, le Blenheim, l’Achille et le Warspite, séparés les uns des autres par un intervalle d’environ deux lieues, s’étendaient en ligne sous autant de voiles qu’ils en pouvaient porter. Le vice-amiral avait diminué de voiles, et il permettait évidemment au Carnatique de s’approcher de lui, probablement à cause de l’air menaçant du temps du côté du vent ; tandis qu’il se laissait dépasser par la frégate la Chloé et le cutter le Driver, l’un par le bossoir du vent, l’autre par celui de dessous le vent. Quand le Douvres appareilla, on ne voyait plus de sa hune les voiles hautes de l’amiral, quoique la coque du Warspite fût encore visible de dessus le pont. Il s’éloigna de l’escadre, ou du moins de la partie qui était encore à l’ancre, avec ses basses voiles appareillées, et il serra le vent, ayant ses huniers, deux ris pris.