Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les armes, et votre honorable nom paraîtra parmi les leurs, illustré par le passé, et encourageant pour l’avenir.

— Il est très-vrai que j’ai porté les armes presque depuis mon enfance, sir Reginald, mais c’est dans un service qui ne peut être d’aucun usage en cette occasion. Le prince Charles-Édouard n’a point de vaisseaux, et je ne vois pas qu’il en ait besoin.

— Mais s’il n’a pas de vaisseaux, mon cher Monsieur, le roi George en a. Quant au besoin que peut en avoir le prince, permettez-moi de vous dire que vous vous trompez. Il sera bientôt très-important de tenir ouverte la communication avec le continent. M. de Vervillin a sans doute mis en mer avec quelque objet semblable en vue.

Bluewater tressaillit, et il retira brusquement son bras sur lequel le baronnet, dans la chaleur de la conversation avait appuyé une main : c’était la suite du même instinct qui fait qu’on recule avec dégoût, quand on touche sans le savoir quelque reptile. L’idée d’une trahison comme celle que lui semblaient impliquer les paroles de son compagnon ne s’était jamais présentée à lui, et son esprit la repoussa avec une sorte d’horreur. Cependant il ne savait pas encore précisément à quoi sir Reginald voulait l’engager, et il crut juste de s’assurer de ses vues réelles avant de lui répondre. Quelque plausible que cela parut, c’était un délai dangereux pour un esprit aussi droit que simple se trouvant en contact avec un homme aussi adroit et aussi expérimenté que le baronnet. Sir Reginald eut assez de tact pour s’apercevoir que son nouvel ami avait déjà pris l’alarme, et il résolut sur-le-champ d’être plus prudent.

— Comment dois-je entendre, ce que vous venez de dire, sir Reginald ? demanda le contre-amiral. — Quel rapport puis-je avoir avec les ressources navales de la maison de Hanovre, quand mon intention est de quitter son service ? Les flottes du roi George ne serviront pas la cause des Stuarts, et du moins elles obéiront à leurs officiers.

— Je n’en ai pas le moindre doute, amiral Bluewater. — Quel glorieux privilège ce fut pour Monk d’avoir en son pouvoir de remettre sur le trône son souverain légitime, et d’éviter ainsi à son pays, par un coup de main, les maux et les souffrances d’une guerre civile ! De tous les noms glorieux mentionnés dans les annales britanniques, je regarde celui de Monk comme le plus digne d’envie. C’est une grande chose d’être prince ; d’être né pour être le substitut de Dieu sur la terre en tout ce qui concerne la justice et le pouvoir des hommes ; mais c’en est une encore plus grande à mes yeux d’être né sujet pour rétablir l’ordre de ces successions presque divines, quand il a été interverti par des hommes pervers et présomptueux.