Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/254

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cinq : et deux seulement paraissent être des vaisseaux de ligne.

— Le feu que vous apercevez là-bas, le long de la terre à l’ouest, est le fanal de l’Élisabeth et celui qui est plus au large est à bord de l’York. Le fanal du Douvres a disparu plus loin au sud. Ah ! voici Dublin qui fait son abattée et qui va suivre les autres.

— Et vous avez dessein d’en faire autant ?

— Avant une heure d’ici, ou je perdrai de vue ma division. Dans l’état présent des choses, j’ai réfléchi s’il ne convenait pas de rappeler les vaisseaux les plus éloignés et de les réunir en escadre serrée ; car l’augmentation du vent rend probable qu’ils perdront de vue le vice-amiral, et que le point du jour trouvera la ligne rompue et en confusion. Un seul esprit doit diriger les évolutions des vaisseaux comme celle des bataillons, sir Reginald, lorsqu’ils doivent agir de concert.

— Dans quelle vue réuniriez-vous les vaisseaux que vous venez de mentionner, et de la manière que vous avez indiquée, si cette question ne vous paraît pas trop indiscrète ! demanda le baronnet avec vivacité.

— Simplement pour les maintenir ensemble et être sûr de les avoir à portée de mes signaux particuliers. C’est un devoir qui m’est spécialement imposé comme commandant cette division.

— Et avez-vous le moyen de le faire ici, sur ce promontoire ?

— Ce serait une grande négligence d’avoir oublié une précaution si importante. Mon lieutenant chargé des signaux est couché là-bas sous ces buissons et deux aides-timonniers sont à portée pour aider à faire tous les signaux qui pourraient devenir nécessaires ; car cette nécessité a été prévue et elle semble réellement approcher. Si je prends cette mesure, il faut même qu’elle soit prise promptement ; le fanal de l’York commence à s’obscurcir dans l’éloignement. Oui, j’y suis décidé, Monsieur ; la prudence l’exige, et vous allez voir de quelle manière nous faisons passer des ordres à des bâtiments éloignés.

Bluewater n’aurait pu annoncer une nouvelle plus agréable à son compagnon. Sir Reginald n’osait lui proposer à découvert la trahison qu’il méditait ; mais il pensait que si le contre-amiral éloignait sa division de celle de sir Gervais, celui-ci se trouverait trop faible pour risquer un engagement avec les Français, et qu’il pouvait en résulter la séparation des deux parties de l’escadre, ce qui rendrait plus facile la défection de celle que commandait le contre-amiral. Il est vrai que Bluewater agissait d’après des motifs diamétralement contraires aux désirs de sir Reginald ; mais comme tous deux suivaient la même route jusqu’à un point donné, l’intrigant baronnet n’était