Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/260

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— Oui, amiral, dit Wycherly ; — le vice-amiral nous cherchera tous avec quelque inquiétude, lorsque le jour paraîtra.

Bluewater ne prononça pas une autre syllabe avant que sa barge fût le long du bord du César. Il réfléchissait profondément sur sa situation, et nos lecteurs qui connaissent ses sentiments, comprendront aisément que ses réflexions devaient être pénibles. Quelles qu’elles pussent être, il n’en fit part à personne ; et quand un amiral juge à propos de garder le silence à bord d’une embarcation d’un bâtiment de guerre, c’est une espèce de devoir pour tous ses inférieurs d’imiter son exemple.

La barge était à environ un quart de mille du promontoire, quand on entendit le battement lourd des huniers du César, qui, ayant tous leurs ris pris, luttaient pour se mettre en liberté, tandis que l’équipage, rangé sur tes écoutes, les bordait à joindre. Une minute après, on vit la Mouche, ayant sa grande voile dehors, s’éloigner lentement de la terre, paraissant comme l’ombre d’elle-même dans l’obscurité. On vit aussi le sloop fortement incliné à la bande par la force du vent, ayant son hunier sur le mât, et attendant ainsi en panne que le vaisseau amiral eût fait son abattée.

La surface de l’eau n’était qu’une nappe d’écume étincelante, tandis que l’air était rempli du bruit mélangé du mugissement des vagues et des rugissements du vent. Il n’y avait pourtant rien de glacial ou de désagréable dans la température de l’air, qui avait quelque chose de fortifiant et de stimulant, et qui était chargé de la fraîcheur de la mer, et de cette odeur particulière qui plaît tant à un marin. Après qu’on eut vigoureusement ramé pendant un bon quart d’heure, on arriva assez près, du César pour en apercevoir la masse noire. Depuis quelque temps, lord Geoffrey, qui tenait la barre du gouvernail, gouvernait sur le fanal de hune de ce bâtiment ; mais alors on voyait la masse noire du gréement se balancer dans l’air, et sa lourde coque plonger et se relever alternativement, comme si l’Océan eût gémi sous le travail d’avoir à soulever une telle masse de bois et de fer. Une lumière brillait à la fenêtre de la chambre de l’amiral, et de temps en temps on en apercevait une autre à travers un sabord qui était ouvert dans la chambre des officiers. À tout autre égard, ce bâtiment n’offrait aux yeux qu’une masse noire ; et même quand la barge s’arrêta sous le vent du vaisseau, ce n’était pas une chose facile à ceux qui s’y trouvaient, de monter à bord par le moyen des taquets cloués contre le bord et formant une sorte d’échelle. Ils y réussirent pourtant, et tout le monde monta à bord, excepté deux canotiers ; qui y restèrent pour y crocher les palans et hisser la barge à bord.