Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/278

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très-bonne intelligence, malgré la petite escarmouche qui avait commencé la conversation.

— Monsieur Wilhiamson, dit le capitaine Parker à son premier lieutenant, en quittant le passavant, vous avez entendu les ordres de l’amiral, et il faut les exécuter. Je ne crois pourtant pas que le Carnatique, avec son tirant d’eau actuel, fût sorti de la ligne et n’eût pu se maintenir à son poste, quoiqu’il soit un peu sur le nez. Cependant faites remplir les pièces vides et changer de place les boulets pour faire tomber le vaisseau de six pouces sur l’arrière.

— Ce vieux Parker est un brave, dit sir Gervais à son commis d’administration, qu’il avait pris dans sa barge, de peur qu’il ne trouvât pas d’autre canot pour retourner à bord en temps convenable : et je suis surpris qu’il souffre que son bâtiment plonge le nez sous l’eau de cette manière. J’aime à l’avoir pour mon matelot de l’arrière ; car je suis sûr que si j’entrais dans le port de Cherbourg, il m’y suivrait. — Et vous, Locker, ajouta-t-il en se tournant vers son valet de chambre, qui était aussi sur sa barge, songez à lui envoyer deux des meilleurs échantillons de ce brawn. — Eh, eh ! — à quoi diable pense donc lord Morganic, ce descendant de main-gauche du sang royal ? Son vaisseau ressemble à un mannequin de tailleur, uniquement destiné à faire étalage de vestes et d’habits. Ho ! de l’Achille !

Un aide-timonnier accourut au bord de la dunette et alla de suite informer son capitaine que le commandant en chef de l’escadre hélait le vaisseau. Ce capitaine était le comte de Morganic, jeune homme de vingt-quatre ans, qui avait hérité de son titre quelques années auparavant par la mort de son frère aîné ; car c’est ordinairement de cette manière qu’on trouve un vieux pair dans la marine, les fatigues du service n’ayant rien d’assez encourageant pour y attirer ceux qui sont déjà en possession d’une fortune. Le comte s’avança sur la hanche de l’Achille, salua l’amiral avec une aisance respectueuse, et lui parla avec une sorte de familiarité qu’aucun des vieux capitaines de la flotte n’aurait osé se permettre. En général le ton des rapports qu’il avait avec ses officiers supérieurs annonçait qu’il sentait la supériorité de son rang sur le leur, au civil ; mais sir Gervais étant d’une ancienne famille, et tout aussi riche, il montrait au vice-amiral plus de respect qu’il n’en accordait à tout autre. Son bâtiment était plein de nobs, comme on appelle dans la marine les fils et les parents des nobles ; et il n’était pas rare à leurs différentes tables de les entendre plaisanter aux dépens même de leurs amiraux, qu’ils regardaient comme dépourvus des qualités particulières