Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/283

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invitation à un dîner public, sir Gervais savait faire une distinction entre les ennemis combattants et non combattants. Il dédaignait les parties de sa profession qui ne tendaient qu’à gagner de l’argent, quoique des sommes considérables eussent tombé entre ses mains, en forme de parts de prises, comme autant de présents du ciel. Il ne fit donc, en cette occasion, aucune attention à tout bâtiment qui n’était pas armé en guerre, son noble vaisseau continuant à s’avancer vers la côte de France, comme le dogue passe à côté du roquet qui se trouve sur son chemin, et ne s’arrête que s’il rencontre un adversaire que sa force et son courage rendent plus digne de lui.

— Vous ne les avez pas vus, monsieur Greenly ? dit le vice-amiral quand le capitaine descendit sur le pont, attendu l’obscurité croissante, suivi d’une demi-douzaine de lieutenants et de midshipmen qui avaient aussi monté sur les vergues comme volontaires. Eh bien, nous savons qu’ils ne peuvent encore être à l’ouest de nous, et en continuant ainsi notre route au plus près, nous sommes sûrs de leur passer au vent avant six mois de ce jour. Comme nos vaisseaux se comportent bien, se suivant l’un l’autre aussi exactement que si Bluewater était à bord de chacun d’eux pour les faire gouverner !

— Oui, amiral, ils se maintiennent en ligne extraordinairement bien, eu égard aux lits de courants qui se trouvent dans la Manche. Si nous laissions tomber un hamac par-dessus le bord, je crois que le Carnatique le ramasserait, quoiqu’il doive être quatre bonnes lieues en arrière de nous.

— Fiez-vous-en pour cela au vieux Parker ; je vous garantis qu’il ne dévie jamais de sa route. Si c’était lord Morganic, le capitaine de l’Achille, je ne serais pas étonné de le voir ici par notre hanche du vent, uniquement pour nous montrer comme son vaisseau peut nous gagner au vent quand il est à la cape ; ou peut-être là-bas sous le vent, pour nous faire voir comme il tombe sous le vent quand il ne fait aucun effort.

— Milord est pourtant un officier plein de bravoure, et n’est pas mauvais marin pour son âge, répondit Greenly, qui prenait ordinairement le parti des absents, quand son amiral était disposé à les juger trop sévèrement.

— Je ne lui refuse pas ces deux qualités, Greenly, et surtout la première ; je sais que si je faisais à Morganic le signal d’entrer dans le port de Brest, il le ferait sans hésiter ; mais y entrerait-il avec le guy, ou son bâton de foc en avant ? C’est ce que je ne pourrais dire qu’après l’avoir vu. Vous-même, Greenly, vous êtes encore un jeune homme, mais…