Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/288

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de cette affaire, car je ne lui en ai jamais parlé ; on n’aime pas à causer avec son officier commandant des détails d’un mariage clandestin contracté par son frère.

— Je suis charmé qu’il n’y ait pas eu d’enfant de ce mariage, Greenly ; oui, des circonstances particulières font que j’en suis charmé. Mais changeons de conversation, car ces malheurs de famille donnent de la mélancolie, et un repas mélancolique est une sorte d’ingratitude envers l’Être qui pourvoit à nos besoins.

La conversation ne roula plus que sur des objets indifférents, et peu de temps après les convives se séparèrent. Sir Gervais monta alors sur le pont et se promena une heure sur la dunette, les yeux toujours fixés du côté de l’est et du sud pour tâcher d’apercevoir les signaux des bâtiments français. Ne pouvant y réussir, et cédant à la fatigue, il retourna dans sa chambre pour se coucher. Mais avant d’y descendre, il donna l’ordre formel qu’on l’appelât s’il arrivait la moindre chose extraordinaire, et il le réitéra deux ou trois fois.



CHAPITRE XXI.


Route, Océan aux flots d’azur, route ! C’est en vain que dix mille flottes naviguent sur les eau ; — l’homme couvre la terre de ruines, mais sa domination cesse sur ton rivage. — Sur tes plaines liquides tout naufrage est ton œuvre.
ByronChilde-Harold.



Il faisait grand jour quand sir Gervais Oakes reparut sur le pont. La scène qui s’offrit alors ses yeux, et l’impression qu’elle fit sur son esprit, expliqueront suffisamment au lecteur quel était l’état des choses après les cinq à six heures d’absence du vice-amiral. Le vent était devenu un véritable ouragan, quoique la saison de l’année rendît les sensations qu’il causait moins désagréables que si l’on eût été en hiver. L’air était même doux et imprégné de d’humidité de l’Océan, quoique le vent, par moments, chassât par le travers du bâtiment des nappes d’écume, avec une fureur qui menaçait d’emporter la cime des lames pour la réduire en vapeur. Les oiseaux aquatiques eux-mêmes semblaient épouvantés dans les instants où le vent prenait plus de pouvoir, décrivaient des cercles dans l’air, et se plongeaient dans l’élément au-dessus duquel ils volaient, pour y chercher une protection contre les efforts de celui auquel ils appartenaient plus naturellement.