Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/29

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pavillons, et quand cela sera fait, revenez ici, et je vous en dirai davantage. Mais, pour l’amour du ciel, n’approchez pas tant du bord de la plateforme.

La pensée que ce cordage, tout mince et fragile qu’il était, pouvait servir à sauver le jeune marin, se présenta sur-le-champ à l’imagination de Mildred, et en un instant elle fut au pied du mât. Bien des fois, quand un excès de boisson mettait son père hors d’état de remplir ses fonctions, elle avait attaché et hissé les signaux ; elle était donc heureusement experte dans le maniement des drisses. En une minute elle les dépassa de la poulie, et elle les laissa en tas sur la terre.

— J’ai fait ce que vous m’avez dit, Wychecombe, lui dit-elle en arrivant de nouveau près du bord du précipice. — À présent vous jetterai-je un bout de la drisse ? Malheureusement je ne suis pas assez forte pour vous enlever jusqu’ici, et je crains que sir Wycherly et mon père ne soient pas en état de m’aider.

— Ne vous pressez pas, Mildred, et tout ira bien. Passez un bout du cordage autour du mât des signaux, attachez-en ensuite les deux bouts ensemble, et jetez-les moi. — Ayez soin de ne pas trop approcher du bord du plateau.

Cette dernière injonction était inutile, car Mildred était déjà partie. Son esprit intelligent comprit aisément ce qu’elle avait à faire. Elle s’acquitta rapidement de sa tâche, et quelques instants après le petit cordage était à la portée des mains du jeune lieutenant. Il n’est pas facile de faire comprendre à un homme qui n’a jamais été sur mer la confiance qu’un marin accorde à un cordage. Placez-lui en main un bout de corde de chanvre usée et pourrie, et il hasardera sa vie dans des situations qui l’auraient effrayé sans cet appui. Accoutumé à être suspendu en l’air, sans autre chose que des cordages pour appuyer son pied et assurer sa main, son œil juge par instinct de ce qui suffit pour le soutenir, et il se fie sans hésiter à ce qui ne paraît que quelques frêles cordages qui, aux yeux d’un homme sans expérience, ne mériteraient aucune confiance. Des drisses de signaux sont des cordages plus minces que le petit doigt d’un homme de taille ordinaire, mais elles sont ordinairement faites avec soin, et chacun des fils qui les composent est solide. D’ailleurs, Wychecombe savait que la drisse dont il s’agissait était neuve, car il avait aidé lui-même à la passer dans la poulie la semaine précédente. Ce fut par suite de cette circonstance qu’elle se trouva assez longue pour arriver jusqu’à lui ; car en la coupant de la pièce, on l’avait laissée plus longue que cela n’était nécessaire, afin de rafraîchir les bouts au besoin. Ce