Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/320

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Les premiers vaisseaux français viraient vent arrière ; ils s’avançaient plus loin sous le vent, et il leur aurait fallu une heure pour se rapprocher des Anglais de manière à les mettre en danger par un pareil temps. Leurs autres bâtiments les suivaient, sans s’inquiéter des deux qui continuaient toujours la bordée. La Chloé avait déjà viré vent arrière, et, serrant le vent, elle arrivait au vent de sa ligne, quoique sous une voilure, qui semblait l’écraser. L’Actif et le Driver étaient à leur poste ordinaire, l’un par le travers du vent, l’autre par le bossoir du vent, tandis que le Druide était arrivé assez près pour laisser voir sa coque approchant rapidement, ses vergues en croix.

— Le commandant de ces deux vaisseaux est bien hardi, ou bien obstiné, dit Greenly, qui était à côté du vice-amiral à l’instant où celui-ci terminait son examen. — Quel motif peut-il avoir pour braver une force triple de la sienne par le vent qu’il fait ?

— Si c’était un Anglais, Greenly, nous l’appellerions un héros. En désemparant d’un mât un de nos bâtiments, il pourrait nous en causer la perte, ou nous forcer à un engagement avec une force double de la nôtre. Ne le blâmez pas, mais aidez-moi à le désappointer. Écoutez-moi bien, et faites exécuter mes ordres sur-le-champ.

Sir Gervais expliqua alors au capitaine quelles étaient ses intentions. Il ordonna d’abord lui-même au premier lieutenant, – ce qui n’était pas son usage, – de laisser porter légèrement en dépendant, autant qu’il serait possible, sans bien marquer cette manœuvre. Mais comme ses ordres se trouvèrent suffisamment expliqués dans le cours de cette relation, il est inutile de les rapporter ici. Greenly descendit alors sur le pont, laissant sir Gervais et Bunting en possession de la dunette. Un signal particulier avait été préparé par ordre du vice-amiral ; on le hissa en ce moment, et en moins de cinq minutes tous les bâtiments de l’escadre y avaient répondu. Sir Gervais se frotta les mains avec un air de triomphe, et fit signe à Bury, qui était sur le gaillard d’arrière un porte-voix en main, de venir le joindre sur la dunette.

— Greenly vous a-t-il dit quel est notre plan Bury ? demanda sir Gervais dès que le premier lieutenant fut arrivé ; je l’ai vu vous parler sur le gaillard d’arrière.

— Il m’a seulement dit de porter de manière à élonger le vaisseau français le plus près que nous le pourrions, sir Gervais ; et je crois que c’est ce que nous faisons aussi vite que Mounseer peut le désirer.

— Ah ! voilà le vieux Parker qui fait une bonne embardée sous le vent ! Fiez-vous à lui pour se trouver à sa place, Le Carnatique est