Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/323

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au milieu du bruit de l’ouragan, et regardant par-dessus son épaule gauche, sir Gervais vit le Carnatique sortir de la fumée, et imiter la manœuvre du Plantagenet, en faisant encore une plus grande embardée sous le vent. Au même instant, Parker établit sa grande voile avec les ris pris, comme s’il eût été déterminé à dépasser son antagoniste et à maintenir sa place. Nul autre qu’un excellent marin n’aurait pu si bien exécuter cette manœuvre au milieu du bruit et de la confusion générale, et sir Gervais, qui n’était pas à cent brasses du Carnatique, en témoigna son contentement en agitant son chapeau en l’air, compliment auquel le vieux Parker, qui était alors seul sur la dunette, répondit en découvrant ses cheveux gris. Pendant tout ce temps, les deux vaisseaux continuaient à marcher rapidement en avant, tandis que le bruit du combat se faisait encore entendre en arrière.

Cependant le dernier bâtiment français était manœuvré avec talent et dextérité. En serrant le vent, il se dirigeait nécessairement sur ses ennemis, ce qui mit sir Gervais dans la nécessité de modifier ses derniers ordres et de revenir promptement au vent, tant pour éviter de recevoir une bordée, d’enfilade, que pour ne pas risquer d’aborder sa conserve. Mais le Carnatique, ayant un peu plus d’espace, arriva d’abord, et revint ensuite au vent dès que le vaisseau français eut lâché sa bordée, de manière à le forcer, soit de prendre sur l’autre bord, ou bien de recevoir l’abordage. Presque au même instant, le Plantagenet se trouva sur sa hanche du vent et l’enfila. Parker était arrivé par son travers, et, le serrant de près, obligea la Victoire à serrer le vent, mettant ainsi ce vaisseau entre deux feux. Tous ses mâts tombèrent les uns après les autres ; mais lorsqu’il ne lui restait plus que sa mâture inférieure, le Plantagenet et le Carnatique ne purent s’empêcher de dépasser leur victime, quoique tous deux eussent diminué de voiles, et que le premier n’eût pas conservé un seul hunier. Cependant l’Achille et le Foudroyant les remplacèrent sur-le-champ, ces deux bâtiments ayant amené leurs voiles d’étais pour diminuer de vitesse. Comme le Blenheim et le Warspite étaient à peu de distance en arrière, et qu’un boulet de dix-huit avait terminé la carrière du pauvre capitaine de frégate, l’officier qui avait alors le commandement du vaisseau jugea prudent d’amener son pavillon, après une résistance dont la durée ne répondit pas à ce qu’avait promis le commencement du combat. Cependant le bâtiment avait beaucoup souffert, et avait perdu cinquante hommes, tant tués que blessés. Cet acte de soumission mit fin au combat pour le moment.

Sir Gervais Oakes eut alors le loisir, et — le vent ayant bientôt