Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/333

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— Je présume que cette lettre vous l’expliquera, sir Gervais. J’ai peu de chose à y ajouter, si ce n’est pour vous faire rapport que le mât de misaine du Druide a été craqué pendant que nous forcions de voiles pour vous rejoindre, et que nous n’avons pas perdu un instant depuis que l’amiral Bluewater nous a ordonné de partir.

— Vous étiez donc à bord du César ? dit le vice-amiral, dont le ton s’adoucit considérablement quand il vit le zèle que montrait pour le service un jeune homme qui aurait eu des raisons très-plausibles pour rester à terre ; — et vous en êtes parti avec cette lettre ?

— Oui, sir Gervais, par ordre de l’amiral Bluewater.

— Et êtes-vous arrivé à bord du Druide à l’aide d’un boute-hors, ou avez-vous réservé cette nouvelle mode pour le commandant en chef ?

— J’ai quitté le César sur un canot, sir Gervais ; et quoique nous fussions plus près de la côte, où le vent n’a jamais autant de force, et qu’il ne fût pas alors aussi violent qu’il le devint ensuite, nous avons été sur le point de couler à fond.

— Si vous êtes un vrai Virginien, vous ne vous seriez pas noyé, Wychecombe, répondit le vice-amiral reprenant sa bonne humeur ; car, vous autres Américains, vous nagez comme du liège. – Excusez-moi, pendant que je vais lire la dépêche de Bluewater.

Sir Gervais avait reçu Wycherly dans la grande chambre, debout devant la table qui était solidement amarrée au centre. Il aurait peut-être été embarrassé de dire pourquoi il fit signe au jeune homme de prendre un siège avant d’entrer dans ce qu’il appelait son salon, joli petit appartement qui séparait ses deux autres chambres, qui était meublé avec une élégance qu’on aurait pu admirer dans une demeure plus permanente, et où il avait coutume de se retirer quand il voulait réfléchir. Son motif pour y entrer en ce moment était peut-être une crainte secrète des sentiments politiques du contre-amiral ; car, quand il s’y trouva seul, il laissa passer une bonne minute sans ouvrir la lettre qu’il tenait en main. Rougissant de la faiblesse qui le faisait hésiter, il en rompit enfin le cachet et lut ce ce suit :


« Mon cher Oakes, — depuis que nous nous sommes quittés, de grands doutes se sont élevés dans mon esprit sur ce que mon devoir exige de moi dans cette grande crise. Un bras, un cœur, une voix même, peut décider du destin de l’Angleterre. Dans une telle circonstance, chacun doit écouter la voix de sa conscience, et tâcher de prévoir les suites de ses propres actions. Des agents confidentiels