Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car, en cherchant à me rappeler, dès que je l’eus quitté, tout ce qu’il m’avait dit, je n’ai pu y trouver ni sens ni liaison.

— C’est peut-être sa faute plus que la vôtre, Wycherly ; Bluewater a de fréquents accès de distraction ; et il aurait tort de se plaindre de ceux qui ne le comprennent pas, car il ne se comprend pas toujours lui-même.

Sir Gervais prononça ces mots avec un air de gaieté, car il était ravi d’apprendre que son ami ne s’était pas compromis en parlant à son messager. Mais Wycherly n’était pas disposé à s’excuser aux dépens du contre-amiral ; car il se sentait assuré que Bluewater lui avait exprimé ses véritables sentiments, quelque défectueuse que pût avoir été sa manière de le faire.

— Je ne crois pas que nous puissions accuser de rien, en cette occasion les distractions de l’amiral Bluewater, répondit-il avec une généreuse franchise. Il paraissait sentir profondément ce qu’il disait ; la force du sentiment qui l’entraînait peut avoir jeté de l’obscurité dans ses discours, mais ce ne peut être ni distraction ni indifférence.

— Je comprendrai mieux l’affaire, sir Wycherly, si vous me répétez ce qu’il vous a dit.

L’officier réfléchit quelques instants, et chercha à se rappeler ce qui s’était passé entre le contre-amiral et lui.

— Il m’a plusieurs fois recommandé de vous engager à ne pas attaquer les Français avant que sa division vous eût rejoint et fût prête à vous seconder. Mais était-ce par suite de quelque information secrète qu’il avait reçue, ou d’un désir tout naturel de prendre part au combat, c’est ce que je n’oserais affirmer.

— Chacune de ces deux causes peut avoir eu son influence. A-t-il fait quelque allusion à des informations secrètes qu’il aurait reçues ?

— En vérité, sir Gervais, s’écria Wycherly, qui était presque au désespoir de se trouver dans une situation si gauche, et qui commençait à croire que ses chagrins personnels lui avaient fait oublier quelque partie importante de son message, je n’ai jamais eu tant de raison d’être honteux de ma stupidité que dans le moment actuel. Les événements qui se sont passés à terre tout récemment m’avaient peut être rendu incapable de m’acquitter du devoir dont j’ai été chargé.

— Cela est tout naturel, mon jeune ami ; mais, comme je les connais, vous pouvez compter sur mon indulgence.

— Ah ! sir Gervais, vous n’en connaissez pas la moitié !… Mais je m’oublie amiral, et je vous en demande pardon.