CHAPITRE XXV.
aly étant reconnu comme le bouffon de la flotte, sa tentative
extraordinaire pour faire connaître le nom de la prise passa pour
une plaisanterie caractéristique, et servit à faire rire jusqu’à ce qu’on
en trouvât quelque meilleur sujet. Cependant, dans la situation où se
trouvaient les deux flottes, on l’oublia bientôt momentanément pour
songer à des objets plus graves, car presque personne ne croyait que
la collision qui venait d’avoir lieu pût suffire pour satisfaire un
homme du caractère bien connu du commandant en chef. Comme
la jonction de la seconde division de la flotte était tout ce qui manquait
pour décider un engagement général, on plaça sur chaque
vaisseau des vigies pour surveiller constamment l’horizon avec des
longues-vues, surtout à l’est et au nord-est. Le vent perdit quelque
chose de sa violence un peu avant midi, mais il était encore vif et
venait toujours du même côté. La mer commençait pourtant à se
calmer, et quand on piqua huit coups, c’est-à-dire à midi, il était
survenu dans la situation des deux escadres des changements importants,
dont il peut être à propos de mentionner quelques-uns.
L’Éclair, vaisseau amiral français, et le Scipion avaient été reçus en quelque sorte entre les bras de leur escadre, comme nous l’avons déjà dit ; et à compter de ce moment, la marche de toute l’escadre se régla jusqu’à un certain point sur celle de ces deux bâtiments presque désemparés. Le premier, à l’aide de ses voiles basses, aurait pu continuer à maintenir sa place dans la ligne tant que le vent conserva toute sa force, mais le second diminua nécessairement de vitesse, ce qui força les autres à ralentir leur marche, ou à l’abandonner à son destin. M. de Vervillin préféra ce dernier parti. Il en résulta que, lorsque le soleil fut au zénith, sa ligne, encore étendue et bien loin d’être régulière, était à trois bonnes lieues sous le vent