Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/355

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mer, comme vous le dites quelquefois vous-même, amiral, et la littérature est la même en Irlande que dans tout le reste du monde. La Victoire a besoin d’une armure pour être victorieuse, et l’ancre est pour montrer qu’elle n’est pas de la famille de ceux qui coupent leurs câbles et laissent leurs ancres pour s’enfuir plus vite.

— Fort bien, Daly, répondit sir Gervais en riant. Les lords de l’amirauté seront instruits de votre mérite en ce genre, et cela pourra vous valoir une chaire de professeur. Venez au lof, ou vous briserez notre vergue de civadière. — Souvenez-vous de suivre le Druide.

Ils se firent un signe d’adieu de la main, et la Victoire, qui avait perdu ses ailes, s’éloigna lentement. Le Druide prit sa place, et le vice-amiral se borna à donner ordre au capitaine Blewet d’escorter la prise à Plymouth et d’y changer son mât de misaine. Ainsi se termina — l’exercice à feu. – La frégate lofa de nouveau au vent de la ligne, et laissa le Plantagenet derrière elle. Quelques minutes après le vaisseau amiral mit le vent dans ses voiles, et fit route vers les autres bâtiments.

Le vice-amiral s’étant assuré de la manière la plus certaine de la condition actuelle de son escadre, avait des données d’après lesquelles il pouvait former ses plans. Sans la lettre de Bluewater, il aurait été complètement heureux, le succès remporté dans cette journée ayant répandu sur tous ses vaisseaux une ardeur qui était par elle-même un gage de résultats encore plus importants. Il résolut pourtant d’agir comme si cette lettre n’eût pas existé, car il lui était impossible de croire qu’un ami qui lui avait été si longtemps fidèle pût l’abandonner réellement à l’instant du besoin. — Je connais son cœur mieux qu’il ne le connaît lui-même, pensa-t-il, et avant que nous soyons plus vieux d’un jour, je le lui prouverai, à sa confusion et à mon triomphe. — Pendant le cours de l’après-midi, il eut quelques conversations courtes et interrompues avec Wycherly, pour tâcher de s’assurer, s’il était possible, des véritables dispositions dans lesquelles était son ami quand il lui avait écrit. Il ne put pourtant rien apprendre de plus que ce qu’il savait déjà, le jeune lieutenant avouant franchement que, par suite de l’état d’une confusion d’esprit dont il s’accusait modestement lui-même, mais que sir Gervais savait fort bien devoir attribuer à Bluewater, il n’avait pu se faire une idée bien nette des intentions du vice-amiral.

Cependant les éléments commençaient à montrer un changement d’humeur. Un ouragan est rarement de longue durée en été, et vingt-quatre heures semblent être la limite que la nature lui a assignée. Le temps était devenu plus beau depuis que la revue avait eu