Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/382

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garants et se trouvaient prêts d’ailleurs pour qu’on pût les démarrer, y placer la poudre et le boulet, et les tirer à leur tour. Un silence semblable à celui de la mort régnait dans toutes les parties du vaisseau. Les plus vieux marins jetaient de temps en temps un coup d’œil à travers leurs sabords pour s’assurer de la position relative des deux escadres, afin d’être prêts au moment de la collision. Quand les Anglais arrivèrent à portée de mousquet, les Français hissèrent leurs huniers à tête de mâts, ce qui leur procura une nouvelle vitesse. Cependant les premiers avançaient avec le plus de rapidité, portant le plus de voiles, et poussés par une plus forte impulsion. Mais quand il fut assez près, sir Gervais ordonna de diminuer la voilure de son vaisseau.

— Cela suffira, Greenly, dit-il d’un ton doux et tranquille, faites amener le perroquet et carguer la misaine. L’aire que vous avez vous mettra bientôt par le travers de l’ennemi.

Le capitaine donna les ordres nécessaires, et le master diminua de voiles. Cependant le Plantagenet filait en avant, et au bout de trois ou quatre minutes ses bossoirs dépassèrent suffisamment la hanche de l’Éclair pour permettre à un canon de porter. Cela servit de signal de part et d’autre, et les deux vaisseaux ouvrirent leur feu en même temps. La lueur, la détonation et la fumée se succédèrent rapidement, et tout cela ne parut que l’affaire d’un instant. Il s’y mêla le sifflement des boulets et les cris des blessés, car, en de pareils moments, la nature arrache, même aux hommes les plus braves et les plus fermes, de pénibles concessions à la faiblesse humaine. Bunting faisait rapport à sir Gervais qu’aucun signal ne paraissait à bord du César, quand un boulet, parti de l’arrière de l’Éclair lui traversa la poitrine et l’étendit mort aux pieds de son commandant.

— Je compterai sur vous, sir Wycherly, pour remplir les fonctions du pauvre Bunting pendant le reste de cette croisière, dit sir Gervais avec un sourire offrant un singulier mélange de courtoisie et de regret. — Aides-timonniers, placez le corps de M. Bunting un peu à l’écart, et couvrez-le de ces pavillons à signaux. C’est un drap mortuaire qui convient à un homme si brave.

Tandis que cela se passait, le Warspite doubla le Plantagenet en dehors suivant les ordres qu’il avait reçus, et fit feu de ses canons de l’avant sur le second vaisseau français. Deux minutes après, ces deux bâtiments se livraient un combat furieux. Les autres vaisseaux de la ligne anglaise allèrent de la même manière attaquer successivement ceux de la ligne française, et enfin l’Achille, commandé par lord Morganic, et qui était le dernier des cinq, se trouva par le travers du