de l’autre, et ils peuvent bien encore passer quelques heures ensemble.
CHAPITRE XXX.
as un seul mot d’explication, de reproche, ou de regret, n’avait
eu lieu entre le commandant en chef et le contre-amiral, depuis que
celui-ci avait reçu sa blessure. Chacun d’eux semblait avoir effacé de
sa mémoire les événements des deux ou trois derniers jours, pour
laisser subsister la longue perspective de services mutuels et d’amitié
réciproque, sans qu’elle fût troublée par un seul point désagréable
ou pénible. Sir Gervais, tout en continuant à surveiller activement
l’escadre et à donner tous les ordres nécessaires, passait le reste du
temps près du lit de Bluewater, avec l’assiduité, et l’on pourrait dire,
les soins délicats d’une femme ; mais ni l’un ni l’autre n’avait fait la
moindre allusion aux combats encore tout récents, ou à aucun événement
arrivé pendant leur courte croisière. Les mots rapportés à la
fin du chapitre qui précède, furent les premiers qui pussent rappeler
à leur esprit des incidents que chacun d’eux pouvait désirer d’oublier.
Le contre-amiral sentait fort bien que son ami usait de ménagement
avec lui, mais, puisque la conversation était tombée par hasard sur ce
sujet, il désirait de la continuer. Il attendit pourtant que le baronnet
eût quitté la fenêtre, et se fut assis près du lit.
— Gervais, dit alors Bluewater, parlant bas par faiblesse, mais d’un ton que le sentiment qui l’animait rendait distinct, je ne puis mourir sans vous demander pardon. Il s’est passé plusieurs heures pendant lesquelles j’ai positivement médité une trahison, je ne dirai pas contre mon roi, car à cet égard mes opinions sont toujours les mêmes, mais envers vous, Gervais.
— Pourquoi parler ainsi, Dick ? Vous ne vous rendiez pas justice, quand vous pensiez qu’il vous serait possible de m’abandonner en face de l’ennemi. J’ai mieux jugé de votre caractère, et je l’ai prouvé en n’hésitant point à attaquer une force double de la mienne, dans