Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/422

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transporté à Plymouth. Vous le placerez sur la batterie basse, afin que tous les hommes de l’équipage puissent voir le cercueil. Je désire passer au milieu d’eux les dernières heures que j’aurai à rester sur la terre.

— Cela sera exécuté, amiral, exécuté à la lettre, — le commandant en chef ne donnant pas d’ordre contraire. – Et j’écrirai ce soir à mistress Stowel, qu’elle n’a pas besoin de venir me trouver, comme c’est sa coutume, dès qu’elle apprendra que le César est entré dans le port, mais qu’il faut qu’elle attende que votre pavillon ait été amené.

— Je serais bien fâché, Stowel, de causer un instant de délai à la réunion d’un mari avec sa femme.

— N’y pensez pas, amiral ; mistress Stowel comprendra qu’il s’agit d’un devoir. Je lui ai bien expliqué, avant de l’épouser, que les devoirs d’un marin passent avant tous ceux du mariage.

Après une courte pause, Bluewater fit ses derniers adieux à son capitaine, et Stowel se retira. Une vingtaine de minutes se passèrent dans un profond silence, et pendant tout ce temps sir Gervais ne fit pas le moindre mouvement, croyant que son ami sommeillait. Mais il était décidé que Bluewater ne sommeillerait plus avant de s’endormir du sommeil de la mort. C’était l’esprit, qui avait toujours été plus actif que le corps, qui le soutenait ainsi, et qui donnait à son physique une impulsion et une force contre nature, mais qui ne pouvaient durer longtemps, et qui contribuèrent même à amener en lui une réaction qui accéléra le moment de sa dissolution. S’apercevant enfin que son ami ne dormait pas, sir Gervais s’approcha de son lit, et lui dit à demi-voix :

— Richard, il y a dans la chambre voisine quelqu’un qui désire vivement de vous voir. J’ai résiste même à ses larmes, croyant que vous étiez disposé à dormir.

— Je ne l’ai jamais été moins. Mon esprit me semble devenir plus vigoureux et plus lucide que jamais. Je crois que je ne dormirai plus, dans le sens que vous l’entendez. Quel que soit cet individu, faites-le entrer.

Cette permission lui ayant été donnée, sir Gervais ouvrit la porte, et Geoffrey Cleveland entra. Galleygo, qui allait et venait partout à son gré, le suivit au même instant. Les traits du jeune homme prouvaient la nature et l’intensité de son chagrin. Le nom de l’amiral Bluewater s’associait dans son esprit à tous les événements qui lui étaient arrivés depuis qu’il était entré dans la marine, et quoique ce temps ne fût qu’une bien courte partie de sa vie humaine, la perspec-