Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/59

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comme un baptême chrétien. Si mon pauvre frère Saint-Jacques vivait encore, il pourrait nous le dire.

— Un baptême chrétien ! C’est une singulière allusion pour un champ de bataille. Les armées ne peuvent être allées à Jérusalem. — Eh ! Atwood ?

— Je crois, sir Gervais, répondit le secrétaire, que sir Wycherly fait allusion à la grande bataille qui eut lieu le printemps dernier. Elle fut livrée à Font… Font… j’ai oublié le reste du mot ; et les fonts ont certainement du rapport à un baptême.

— J’y suis, j’y suis, s’écria sir Wycherly avec empressement, Fontenoi est le nom de la place où le duc aurait tout enfoncé devant lui, et ramené prisonniers en Angleterre le maréchal de Saxe et tous ses mangeurs de grenouilles, si nos alliés hollandais et allemands s’étaient comportés mieux qu’ils ne le firent. Voilà ce qui arrive à la pauvre vieille Angleterre, Messieurs ; tout ce qu’elle gagne, ses alliés le lui font toujours perdre. Les Allemands et les colons nous mettent continuellement dans l’embarras.

Sir Gervais et son ami étaient des hommes qui avaient acquis de l’expérience, et ils savaient fort bien qu’ils n’avaient jamais combattu les Hollandais et les Français sans avoir trouvé à qui parler. Ils n’avaient pas de foi à une supériorité nationale générale. Les cours martiales, qui avaient lieu si souvent après un combat, leur avaient appris qu’il y a divers degrés d’intrépidité comme de manque de courage, et ils étaient trop instruits pour être dupes des fanfaronnades de la plume et des déclamations vides de sens prononcées à la suite d’un dîner ou dans la chambre des communes. Ils avaient appris par expérience que des hommes bien conduits et bien commandés valent deux fois le nombre de pareils hommes mal commandés et mal conduits. Ils savaient parfaitement que l’esprit d’une armée ou d’une flotte, d’où dérivent tous ses succès, dépend plus du sentiment de convention qu’on y a fait naître par des moyens moraux que du lieu de la naissance, de la couleur et de la filiation. Ils se regardèrent l’un l’autre d’un air expressif, et un sourire caustique se montra sur les lèvres de si Gervais, tandis que son ami conservait son extérieur ordinaire de gravité.

— Je crois que le roi de France et le maréchal de Saxe font une version différente de cette affaire, sir Wycherly, dit le premier un peu sèchement ; et il est bon de se rappeler qu’une histoire a toujours ses deux côtés. Quoi qu’on puisse dire de Dettingen, je crois que la postérité ne regardera pas Fontenoi comme une plume ajoutée au chapeau de Son Altesse Royale.