Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/60

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— Vous ne croyez sûrement pas possible, sir Gervais, qu’une armée française en batte une anglaise ! s’écria sir Wycherly, dont l’esprit était complètement provincial, quoiqu’il eût siégé dans le parlement, qu’il eût quatre mille livres de revenu annuel, et qu’il descendît d’une des plus anciennes familles d’Angleterre. Admettre une telle possibilité, ce serait presque un acte de haute trahison.

— À Dieu ne plaise, mon cher Monsieur ; je suis aussi loin de croire une pareille chose que le duc de Cumberland lui-même, qui, soit dit en passant, a à peu près autant de sang anglais dans les veines, qu’il se trouve d’eau de la Méditerranée dans la Baltique. — Eh ! Attwood ? — Cependant, sir Wycherly, je vous demande quelques ménagements pour mon ami, mon secrétaire, qui a la faiblesse, comme Écossais, de partager un peu la prédilection nationale pour le Prétendant et tout ce qui compose le clan des Stuarts.

— J’espère qu’il n’en est rien, sir Gervais, je l’espère sincèrement, s’écria le vieux baronnet avec une chaleur qui n’était pas tout à fait sans alarme, sa fidélité à la nouvelle famille régnante étant sans tache et sans reproche. M. Attwood a l’air d’avoir de trop bons principes pour ne pas voir de quel côté se trouve la véritable liberté religieuse et politique. Je suis sûr que vous plaisantez, sir Gervais ; le fait seul qu’il est en votre société est une garantie de sa loyauté.

— Je ne voudrais pas vous faire concevoir une fausse idée de mon ami Attwood, sir Wycherly ; je dois donc ajouter que, quoique son sang écossais le portât à être tory, son bon sens anglais en a fait un whig. Si le Prétendant ne doit monter sur le trône qu’à l’aide d’Étienne Attwood, il peut faire ses adieux pour toujours à l’ambition.

— C’est que je croyais, sir Gervais, je pensais que votre secrétaire ne pouvait avoir adopté la doctrine de l’obéissance passive et de la non-résistance. C’est un principe qui conviendrait difficilement à des marins, amiral Bluewater.

Le grand et bel œil bleu de Bluewater brilla d’une expression presque ironique ; mais une légère inclination de tête fut sa seule réponse. Dans le fait, il était jacobite, quoique personne ne le sût que son ami le vice-amiral. Comme marin, il n’était appelé qu’à servir son pays, et, comme cela arrive souvent aux militaires, il était disposé à le faire sous tout officier que les circonstances pourraient lui donner pour supérieur, et quelles que pussent être ses opinions politiques. Pendant la guerre civile de 1715, il était trop jeune et avait un grade trop inférieur pour que ses opinions eussent de l’importance, et, étant employé à dans des stations étrangères, ses services ne pouvaient être utiles qu’aux intérêts généraux de la nation, sans avoir aucune influence